Simon Liberati

La dernière parution de Simon Liberati, auteur sur lequel Zone Critique avait déjà tari d’éloge dans un précédent article, nous offre de découvrir 113 rêveries et variations sur l’éternel thème du romantisme. Le cabinet de curiosité d’un esthète autant que celui d’un érudit, à parcourir de toute urgence. 

16 janvier 2013

Par où commencer le portrait d’une œuvre qui mériterait plusieurs mois pour être simplement survolée ? Il faudrait au moins compter le double pour contempler entièrement les 113 études de littérature romantique, ce recueil d’éclats furtifs comme une œuvre taillée à la plume d’un diamantaire narcissique et brillant. La page de grand titre nous met déjà en garde, on y trouve Mélusine, symbole de la connaissance et de la culture, qui contrairement à l’habitude détourne son regard du miroir qu’elle tient.

Mais n’y a t-il rien de plus faux que la fausse modestie?

L’écriture des 113 étudesde littérature romantique rappelle James Joyce (auquel Liberati consacre l’étude 75), on ne lit ce livre qu’avec l’émotion relative à la référence que l’auteur lâche sans ménagement. On y passe vite pour un béotien et un inculte. C’est un excellent exercice contre l’orgueil et un démultiplicateur de connaissance certain, car je crains qu’il n y ait que Liberati qui possède toutes ces références la, pas qu’elles soient extraordinaires, mais elles appartiennent aux hasards de la vie rencontrés par les fureteurs et curieux de tout. Chacun possède ces petites particularités, ces goûts biaisés dont on est finalement particulièrement fier, ces plaisirs coupables. C’est bien en ça que l’on peut considérer les 113 études de littérature romantique comme un autoportrait, et Liberati aimerait presque que le lecteur ne s’en aperçoive pas, malheureusement l’auteur est de ces esthètes incapables de penser l’œuvre sans son artiste, à juste titre.

En effet c’est bien en pensant l’artiste qu’on doit lire l’œuvre, car ainsi, on touche à l’objectif de ce livre. En entrant dans la subjectivité de l’auteur on adopte le point de vue permettant de donner son vrai sens au terme romantique du titre. Le romantisme est un moment de contemplation du chaos, de l’étrange comme du naturel, du hasard, de la liberté, de l’homme. Ce livre apporte à qui s’y attaque une belle distance et un calme certain, il offre un beau point de vue sur l’humanité pourvu qu’on ne tombe pas dans l’orgueil de prendre la distance pour de la hauteur, piège si fréquent.

Voilà donc une lecture hautement recommandable, qui permet de redécouvrir de nombreux classiques et d’aborder certaines curiosités plus ou moins macabres

Voilà donc une lecture hautement recommandable, elle permet de redécouvrir de nombreux classiques (Proust, Fitzgerald, Joyce, Léautaud, Brummel, Barbey d’Aurevilly, Breton et tant d’autres…), d’aborder certaines curiosités plus ou moins obscures et macabres (œuvres de Zelda Fitzgerald, exorcismes du XVIIeme siècle, œuvres de Bellmer…), de glaner quelques bons mots, d’habiles procédés d’écriture, finalement de passer un bon moment avec un compagnon cultivé et intransigeant, sorte de dandy post-moderne que vous pouvez emmener partout et faire taire à tout moment. Dommage que son format soit trop prétentieux pour qu’il puisse se glisser dans une poche.

Si l’on voulait imager cette pérégrination par quelques toiles, me viennent à l’esprit L’homme contemplant une mer de brume de Caspar David Friedrich, ainsi qu’une vue d’un cabinet de curiosité, une nature morte, ou peut-être encore Le bœuf écorché de Rembrandt.

  • 113 études de littérature romantique, Simon Liberati, Flammarion, 515 pages, 23 euros

Louis Clermont