Un Kaiju à Sidney
Un “Kaiju” à Sidney
Dans un déluge d’effets spéciaux, Guillermo del Toro nous embarque dans un film de science-fiction efficace mais inachevé.
2013
17 juillet 2013

Les trois premières minutes de Pacific Rim cueillent le spectateur à froid. Tout y est dit. Les méchants extra-terrestres ne viennent pas des étoiles mais des fonds marins. LesKaijus, des créatures gigantesques, ont utilisé une faille sismique dans le Pacifique pour créer une brèche inter-dimensionnelle et s’infiltrer dans notre monde avec pour objectif de le détruire. Avec ce début surprenant, Guillermo del Toro tire un trait sur les menaces rampantes, les signes annonciateurs de catastrophes, les invasions sournoises. Les monstres sont là, ils nous attendent…

Afin de les braver, rien de tel qu’une union planétaire. “Enterrant leurs vieilles rivalités” et poussés par l’instinct de survie, les États ont réunis leurs forces pour créer des robots de la taille d’un immeuble : les Jaegers. Leurs mouvements sont contrôlés par deux pilotes placés dans le casque du monstre de fer et d’acier. Le schéma dessiné par Guillermo del Toro est donc basique : nous allons assister à un combat entre Kaijus et Jaegers. Heureusement, la patte du réalisateur mexicain va pimenter cette histoire simpliste.

Connexion neuronale. 

La victoire contre les Kaijus repose sur les épaules de quelques élus : les pilotes de Jaegers. Toujours en binôme, ils doivent être “compatibles” entre eux pour créer une “dérive”, une connexion neuronale entre eux et le robot-géant. Cette connexion se crée grâce aux souvenirs des deux pilotes : “Plus profond est le lien, mieux on combat.” Connecté à la force des deux cervelles, le Jaeger va alors reproduire chaque geste de ses pilotes. Mais attention à ne pas sombrer dans sa propre mémoire. La dérive est dangereuse et l’on peut se perdre dans les méandres des souvenirs…

Raleigh Becket (Charlie Hunnam, l’un des héros de la série Sons of anarchy)  dirige le robot Gipsy Danger avec son frère qui meurt au cours d’un combat en Alaska. Le survivant réussit à ramener son robot sur le rivage mais cette défaite annonce le crépuscule des Jaegers. Pas assez efficaces aux yeux des dirigeants de ce monde, les quatre robots-géants restants seront les derniers. Le programme va être abandonné. Mais un homme, le Marshal Pentecost, y croit encore. Il sort Raleigh de sa retraite et organise un ultime plan pour se débarrasser des Kaijus : placer une ogive nucléaire dans les abysses et détruire la brèche ouverte entre leur monde et le nôtre. Une fois réglée la question du scénario, il faut réussir à y croire.

Robots et monstres ultra-réalistes

Arrivera-t-il un jour où, sur l’écran, nous ne pourrons plus déceler la différence entre l’humain et la synthèse ? Entre le réel et l’effet spécial ? Si oui, Pacific Rim pourrait être l’ultime étape avant cette prouesse technologique. Avec un budget de 180 millions de dollars, Guillermo del Toro a pu soigner l’esthétique de son film. Le réalisateur affirme d’ailleurs qu’il souhaite que le spectateur se souvienne avant tout de la “beauté” de son long-métrage.

Arrivera-t-il un jour où, sur l’écran, nous ne pourrons plus déceler la différence entre l’humain et la synthèse ?

Le résultat, même en 2D, est saisissant. On oublie très vite que la lutte violente entre Kaijus et Jaegers n’est qu’un assemblage de modélisations synthétiques. Seule l’absence de gouttelettes d’eau sortant de l’écran nous rappelle que nous sommes assis dans une salle de cinéma et pas en apnée en plein milieu du Pacifique.

Del Toro explique que ses Jaegers ont chacun leur style, voire leur personnalité. Un second visionnage sera sans doute nécessaire pour saisir ces subtilités… Les Kaijus eux, affichent leur monstruosité en toute décontraction. Leur physionomie varie allègrement, passant du gorille au requin-chauve-souris. Guillermo del Toro aime les monstres, qu’ils soient faits de chair ou de fer. Ici, il leur rend hommage, une fois de plus. Le Mexicain a grandi en frémissant devant les films d’horreur japonais. Même s’il n’a pas voulu réaliser un remake ou multiplier les références à des histoires déjà existantes, il rend clairement hommage à l’imaginaire nippon.

Des questions existentielles en suspens

L’action se déroule principalement à Hong-Kong, mais le vent japonais souffle fort sur Pacific Rim. Le Kaiju vient en effet du pays du soleil levant. Inventé après la seconde guerre mondiale dans un Japon marqué par les bombes nucléaires tombées sur Hiroshima et Nagazaki, ce mot désigne une créature monstrueuse. Au cinéma, le premier Kaiju s’est appelé Godzilla, dinosaure modifié par des radiations nucléaires.

Même si elle n’est pas évoquée explicitement dans Pacific Rim, la question de l’impact de la technologie humaine sur notre environnement est bien là. Les Kaijus de Guillermo del Toro ont pu s’introduire dans notre monde car le réchauffement climatique leur a créé des conditions de vie favorables. De plus, ils sont chargés de radio-activité. Dopés au nucléaire, les monstres seraient devenus surpuissants ? Comme si une utilisation non contrôlée de cette énergie pouvait conduire à la destruction de la Terre ? Mais pourtant, c’est bien grâce à une ogive atomique que les hommes veulent définitivement se débarrasser des Kaijus en faisant exploser leur brèche… L’énergie nucléaire, force ambivalente…

Guillermo del Toro lance des pistes de réflexions, mais ne donne pas les réponses. On peut d’ailleurs regretter qu’il ne creuse pas davantage les questions posées par Raleigh dans son monologue au début du film. Ainsi, après les premiers succès des Jaegers contre les Kaijus, les pilotes sont devenus des rock-stars et les monstres des reliques historiques. “Le danger s’est transformé en propagande”, dénonce le jeune pilote. On n’en saura pas plus…

Guillermo del Toro lance des pistes de réflexions, mais ne donne pas les réponses

Raleigh s’interroge même sur son propre robot : “Pour combattre les monstres, nous avons créé nos propres monstres.” Il ose qualifier de monstrueux le tas de ferraille avec lequel il doit sauver la planète !?! Le musculeux blondinet serait-il un anti-héros ? On se plaît alors à imaginer une rébellion contre ses supérieurs, ou une remise en question du genre humain, ou encore une fraternisation pacifique avec les extra-terrestres. Mais rien. La critique s’arrêtera là. Guillermo del Toro a-t-il eu peur de froisser un public habitué aux blockbusters et peu enclin à s’interroger sur l’humanité ? A-t-il été brimé par ses producteurs ? Il a tout de même eu le mérite d’ouvrir une brèche intellectuelle au milieu de la violence des combats formats XXL. Les réponses se dévoileront peut-être dans Pacific Rim 2, déjà en préparation

  • Pacific Rim de Guillermo del Toro, avec Charlie Hunnam, Idris Elba, Rinko Kikuchi, Warner Bros France, 17 juillet 2013.