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Thomas, 1987

Le printemps semble être la saison de la photographie au Grand Palais. Après Helmut Newton, il y a deux ans, Mapplethorpe envahit ses murs jusqu’au 13 Juillet. Une rétrospective riche de 250 oeuvres montrant à quel point le photographe fut un artiste complet.

mapplethorpe
26 Mars – 13 Juillet 2014

Dans la veine de la nouvelle programmation du Grand Palais se voulant ouverte sur les nouveaux médias (on a déjà pu le constater avec l’exposition Bill Viola), Jerôme Neutres a tenté, avec succès, de réhabiliter l’oeuvre du photographe New Yorkais souvent réduit à l’image d’homosexuel obsédé par les nus respirants de masculinité.

Une photographie sculptée

Nous avons hérité d’un travail bien plus riche. Plasticien accompli, Mapplethorpe participa à une meilleure considération de ce médium, comme un art à part entière, au même titre que la peinture et la sculpture. C’est d’ailleurs de cette dernière que Mapplethorpe ne cessa de puiser une grande partie de son inspiration, à tel point qu’il considère lui même la photographie comme la sculpture du XXe siècle: «  Si j’étais né il y cent ou deux cent ans, j’aurais été sans doute sculpteur, mais la photographie est une façon rapide de regarder, de créer une sculpture ». Ses nus, à dominante masculine, ne sont pas sans rappeler les sculptures antiques. La scénographie met en valeur cette comparaison en accrochant l’une à côté de l’autre ses photographies de sculpture et ses photographies de nus. Des corps parfaits, respectant les canons de la beauté grecque et romaine, révélant l’obsession de la géométrie de Mapplethorpe.

Son nu omniprésent, ses photographies en noir et blanc, tout laisse à penser qu’Helmut Newton et Robert Mapplethorpe mènent une démarche identique. Mais ce dernier aime à rappeler qu’ils sont tous deux partis sur des voies différentes malgré l’apparente similitude qu’on s’habitue à leur prêter. Alors qu’Helmut Newton a décidé d’utiliser la photographie comme un moyen de sublimer la mode et tente de lui rendre ses lettres de noblesse, la considérant comme un médium artistique ayant sa place dans les beaux-arts, Mappelthorpe est d’abord un sculpteur qui utilise la photographie comme médium artistique.

La sexualité comme antonyme de la vulgarité

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Calla Lily, 1986

Le nu paraît aux yeux de certains d’une vulgarité extrême, c’est d’ailleurs ce qui fait débat autour de l’oeuvre subversive de Newton. Cependant la sexualité et le nu sont des pans essentiels de l’art, souvent mal compris par les néophytes.

Une majeure partie de l’oeuvre de Mapplethorpe parvient à traiter la sexualité de manière décomplexée, jamais vulgaire, la rendant banale mais toujours dans une préoccupation d’esthétique: « le sexe est magique. Si vous le canalisez bien, il y a plus d’énergie dans le sexe que dans l’art ». C’est ainsi qu’il s’amuse à photographier des fleurs ayant la forme d’organes génitaux, mettant la sexualité au même rang que la nature morte: « quand j’ai exposé mes photographies, j’ai essayé de juxtaposer une fleur, puis une photo de bite puis un portrait, de façon à ce qu’on puisse voir qu’il s’agit de la même chose ».

Une scénographie envoûtante

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On perçoit la griffe de Jérôme Neutres, dans l’accrochage. Epuré mais dense, l’accrochage est pertinent. A tel point, que l’on se débarrasse de tout texte pouvant aider à la compréhension : les citations et les photographies sont regroupées de telle manière qu’elles parlent d’elles même. Comme pour l’exposition Bill Viola, qui a bénéficié du même commissaire, on laisse chaque visiteur s’immerger dans la contemplation des photographies, sans parasitage de textes explicatifs. Nous laissant en dialogue complet avec Mapplethorpe grâce à ses citations placées au grès des différentes sections, l’une des expositions les plus attendues de la saison, ne déçoit pas !

  • Robert Mapplethorpe, Grand Palais, Galerie sud-est, 26 Mars – 13 Juillet 2014

Cassandre Morelle