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Tamina Beausoleil  sait  manier la trique pour faire avancer l’âne ou la bourrique que l’on nomme voyeur. De ses dessins sortent les démons de l’être et l’ange de la femme. Mais l’artiste va plus loin : elle donne à voir l’obscénité de l’âme et des pulsions sous formes d’animaux et d’abats divers. Ils remplissent l’abdomen. La nudité souvent miraculeuse devient plus profonde que la peau. Pour moitié voluptueux et pour moitié animal, le joli boudoir, le lys et sa vallée se transforment en antre où logent bien d’autres bestioles que celle qu’on nomme le petit oiseau.

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Les jambes parfois repliées sous elles à la façon des bêtes, les femmes ne sont plus là pour écouter les grâces des sornettes masculines. Pour le mâle le corps n’est plus seulement pulpeux. Il n’est pas forcément l’endroit le plus paisible de la terre sans être pour autant chargé de tous les péchés d’Israël. L’artiste en finit avec les orgasmes et les lamento de tourterelle dont les larmes gouttent parfois entre les seins. Quant à l’homme il n’est plus obligé à la raideur la plus stricte ni contraint à souffler sur sa braise avec les yeux au ciel pour rendre sa compagne hystérique de plaisir.

En un tel processus la femme n’est pas laissée pour morte : elle vit d’autres vies et une résurrection y travaille. Voûtée, parfois à quatre pattes comme les animaux qui l’habitent la femme reste solaire. Tamina fait jaillir des trésors imprévus d’une réserve zoologique.

Il faut consulter ces belles images le soir au moment où les crépuscules s’offrent à la pâmoison de la nuit. A cause des « radiologies » de l’artiste le voyeur fait des silhouettes les pégases de ses propres ténèbres.

Tamina Beausoleil lève des couleuvres d’une « obscénité » particulière.  Elle laisse à un voyeur le crime d’amour et le poignard  à un autre. Manière d’ouvrir métaphoriquement les corps pour que ce qui les hante s’anime.

Les femmes restent belles

Les femmes restent belles : elles n’ont pas besoin de fard et de rouge à joue qui maquillent les vieillesses d’Ensor. A la canaille, au bouc l’artiste impose ses métamorphoses et ses mystifications. Tout y est impeccable. Les femmes restent des anges. Mais plus question face à elles de se prendre pour un dieu ou de jouer les amoureux transis. Pour autant la chaleur monte  – et de bien plus que de deux degrés au-dessus de la température rectale.

Chaque silhouette devient une souche phalliquement indifférente. Elle n’est ni oie blanche, ni grue. Chacune reste un Phoenix qui tient du prodige et dont les intestins échafaudent des structures aussi impressionnantes que drôles. Ce qu’on nomme vulgairement un « beau cul »

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prends une autre dimension car sous sa grande nacre s’y articule des ombres qui n’ont plus rien de faméliques. Leur lustre rend le bouc novice. Il n’a plus la tête pleine de sanies. Faute de faire bombance de ses rognons il hallucine à la vue de ces femmes qui ne se contentent plus  de montrer leur seins.

Tamina Beausoleil s’en amuse. Bien plus que des torses noirs de poils d’hommes, de leurs cuisses fortes que quelquefois elle a frottées d’huile. Pour autant Eros n’est pas en berne. Il est encore là qui remue. Mais de manière étrange. Comme l’est la « pornographie » de l’artiste. Celle-là est la plus forte : car il ne s’agit plus de montrer le corps mais ce qu’il y a dedans et qui au besoin le dépasse. Il ne convient plus de se rincer l’œil mais de mesurer ce qui lui échappe au-delà de l’iris.

Et parfois le voyeur implore de l’aide pour s’en délivrer tout en promettant des Ex-voto par l’intersection de la Sainte Sexo

Le voyeur a soudain retrouve à ses trousses des spectres qui n’ont rien de victoriens. Les animaux prolifèrent. Et parfois le voyeur implore de l’aide pour s’en délivrer tout en promettant des Ex-voto par l’intersection de la Sainte Sexo. Le voyeur lui assure – quand il s’en sort – une éternelle reconnaissance. Mais à peine guéri et calmé il n’a qu’une idée : retrouver les lions et les crapauds de la dessinatrice vénéneuse. Du moins si l’on en croit ses œuvres. Elles rachètent les péchés de tous ceux qui, frénétiques, cherchent dans l’image de quoi se masturber.

« Sainte Mère ne seraient-ils que des bêtes ? » se demande l’artiste. Mais pourquoi pas après tout. C’est pourquoi Tamina Beausoleil remodèle ses personnages. « Creuse, creuse ma fille puisqu’un ange te tire par les pieds » pourrait-elle ajouter. Ange ou Ogre c’est selon, ça n’a pas de nom. Sinon celle de la maladie du temps.

Le peuple intérieur chevauche les belles. Qu’importe si la fusion dans le réel n’est pas au rendez-vous. Mais les Edwarda du futur font partie de telles oeuvres. Elles trouent les surfaces. Ainsi, à celle a qui on voulut retirer la langue, la tire à son tour. Et elle brouille les cartes qui donnent de l’atout. Elle déduit le dehors de dedans. Et c’est ainsi qu’un parlement de pucelles célèbre les charmes du dessins. Tamina Beausoleil en demeure la reine. Ouvrant la bouche, l’artiste ne laisse rien entendre mais ses dessins parlent pour elle. Le dedans monte à la surface où les bulles crèvent et ça donne un air de fête. Les corps dansent sur des fils avant de s’envoler dans des gazouillis d’oiseaux.

Tamina Beausoleil tire les rideaux, les ficelles. Sans donner d’explications, ni déplier de raisons. Toutefois elles s’emboîtent sans que puisse se saisir le moindre sens. Les femmes de fait deviennent des orgues à prières. De Dieu elles ne redoutent pas le tonnerre. Et le cochon en lui, elle sait le réveiller.

Par ces corps cernés du trait de leur contour Tamina creuse encore pour achever la farce humaine. L’âme elle-même n’est que matière. Mais l’artiste lui accorde de l’air et son latin s’y perd. Y garde-t-elle son âme ? Certains disent qu’elle a rampé dans des marais pour arriver à ce point d’eau où s’abreuvaient les hippopotames étranges. L’artistes se serait juché sur leur dos. Mais désormais elle leur apprend le morse sous son crayon qui souligne les bords. Il y a à l’intérieur des variétés de bêtes interdites en miroirs invaginés. Loin des lallations orgasmiques de sultanes, les matrices exultent. Parce que l’artiste fend et dénude, les sirènes s’agitent.  Notre peau fait partie de leur corps. Elles nous libèrent de bien des dettes.

  • Tamina Beausoleil, Tamina Beausoleil, Editions Derrière La Salle de Bains, Rouen, 2016

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