C’est en façonnant des mythes à la terre glaise qu’Auguste Rodin est entré dans l’histoire et c’est en explorant sa légende que Jacques Doillon a retenu l’attention du Festival de Cannes. Le Frenchie confie le rôle-titre à Vincent Lindon pour revisiter une période charnière de la vie du célèbre sculpteur ; deux décennies de passion et de création, entre ses 40 et ses 60 ans. Engoncé dans un huis-clos théâtral, son film ne convainc pas et pêche par ses lourdeurs sans que son esthétisme soigné ne sauve le spectateur de l’ennui qui le gagne progressivement.

Dans Rodin, les éléments qu’on est en droit d’attendre d’un film d’époque académique sont présents : jeu de clair-obscur, décors et costumes caractéristiques de la fin du XIXe siècle, et vocabulaire de circonstance. Faire à Doillon le reproche d’un manque d’audace stylistique serait un faux procès. Néanmoins, dès les premières scènes, la mise en place du récit se fait laborieuse car la diction des acteurs, théâtrale et mécanique, dérange.

Tonalité grandiloquente

Tandis que les prémices de l’idylle chaotique de Rodin avec son élève Camille Claudel se dévoilent, les répliques de Lindon et Izïa Higelin nous font ressentir l’artifice du cinéma. Les échanges animés qui jalonnent leurs dix années d’amour passionnel et artistique sont propices à insuffler de l’action à la narration. Cependant, ces scènes de ménage monocordes et sans rythme alourdissent un long métrage qui peine à trouver sa dynamique.

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La composition de Lindon, atout mal exploité

Il est légitime de s’interroger sur le poids que le casting aura eu dans la balance de la sélection cannoise du film, tant Vincent Lindon reste l’un des rares atouts du film. Livrant une interprétation habitée de l’artiste, le lauréat du Prix d’interprétation masculine de La Loi du marché porte l’intrigue mais ne lui permet pas de décoller. Sa partenaire féminine est, pour sa part, cantonnée à un personnage dont l’arc n’évolue pas, ou si peu.

Le résultat final, instructif pour les non-connaisseurs de cette frange de la vie du maître-sculpteur, laisse un sentiment de gâchis. Ne parvenant pas à se détacher du sempiternel conflit schéma sentimental proposé, le long métrage s’enfonce dans une succession de séquences répétitives qui donnent davantage envie de prendre un billet pour le musée Rodin (partenaire du film) qu’un ticket de cinéma.

Rodin, de Jacques Doillon, avec Vincent Lindon, Izïa Higelin et Séverine Caneele.

En Compétition, actuellement au cinéma.