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Peut-on trouver l’espoir dans un camp de réfugiés palestiniens ? C’est ce à quoi s’évertue Wardi dans le film éponyme de Mats Grorud. Cette fillette, dont l’arrière-grand-père a été expulsé de Palestine lors de la Nakba de 1948 – à la création de l’État d’Israël – concentre mille émotions dans son regard de pâte à modeler. Réalisé en stop-motion, avec des marionnettes animées image par image, Wardi questionne autant le passé que notre époque actuelle, ce qui n’a pas manqué de séduire le Festival international du film d’animation d’Annecy, qui l’avait projeté en avant-première. Sans être l’égal des pointures du genre, ce long métrage engagé plonge le public en immersion dans un camp de la débrouille et de la mélancolie.

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Soixante-dix ans après la Nakba, surnommée « la grande catastrophe » par les Palestiniens en exil, c’est un réalisateur norvégien qui fait entendre la voix des victimes du conflit israélo-palestinien. Ce fils d’infirmière humanitaire, qui a marché dans ses pas en travaillant plus tard auprès d’ONG, a toute légitimité pour retranscrire une réalité que les spectateurs voient rarement. Son arme ? L’animation. Un registre qui permet une distanciation formelle par rapport à un sujet ô combien délicat. Préférant le « hors-champ » au conflit en tant que tel, Grorud s’attache à dépeindre la vie quotidienne de cette population recluse : « mon objectif était de réaliser un film qui semble aussi réaliste que possible aux Palestiniens qui vivent au Liban », confie ainsi le réalisateur.

Wardi s’articule autour de véritables témoignages recueillis par le cinéaste dans le camp de Burj El Barajneh et, de ce point de vue, l’objectif est tenu. Néanmoins, un film ne peut reposer sur le seul argument du réalisme. D’abord pensé comme un documentaire, le projet est devenu un long métrage d’animation sans que son réalisateur n’ait été en mesure d’accorder au scénario le développement narratif qu’on aurait espéré. Au vu des redondances qui alourdissent la succession de saynètes, on regrette qu’il n’y ait pas un corpus plus restreint de protagonistes, mais mieux abouti, avec une plus grande affirmation de la psychologie des personnages.

Récit multigénérationnel

En faisant interagir quatre générations, le réalisateur construit une temporalité à plusieurs voix et ancre son récit dans les jalons de l’histoire palestinienne. En allant de l’exode de 1848, aux premières années d’appauvrissement à Beyrouth, jusqu’à l’intifada de 1987, et au moment présent grâce à Wardi et ses grands yeux interrogatifs, Grorud peint la fresque d’une population privée d’avenir. Le trait volontairement grossier des dessins en deux dimensions qui constituent les séquences de flashbacks marque certes un repère chronologique, mais aussi une rupture esthétique. Un choix qui rompt avec la beauté du conte moderne initial, et se justifie par la violence concentrée dans ces scènes de souvenirs, cauchemardesques.

Film engagé

Sensibiliser le public à une cause est le propre du cinéma engagé. Toutefois, il ne faut pas sacrifier à cette cause les qualités cinématographiques qui rendent un long métrage remarquable. Au jeu des comparaison, et bien que le propos diffère d’un film à l’autre, on comprend que Wardi n’a pas la teneur d’un Persepolis ou de Valse avec Bachir. Dépourvu de la finesse du premier et de l’intensité du second, Wardi n’en demeure pas moins instructif et c’est là son principal atout. Visible dès l’âge de dix ans il est, à notre sens, destiné à un public averti en raison de la dureté de certains passages.

Fruit d’un travail de longue haleine, ce film très personnel est l’occasion pour Mats Grorud de brosser un état des lieux géopolitique qu’il est important de connaître et de le faire à échelle humaine. Les puristes apprécieraient qu’il le fasse avec un « pinceau » moins dru, pour autant, Wardi parvient à transmettre sa propre poésie et c’est ce qu’on retiendra.

  • Wardi, de Mats Grorud, avec Pauliine Ziadé, Aïssa Maïga et Saïd Amadis au doublage VF. Sortie le 27 février.