TEL AVIV ON FIRE-(c) Samsa Film-TS Productions-Lama Films-Artémis Productions-Photographe Patricia Peribanez_low
« Une journée sans rire est une journée perdue », disait Charlie Chaplin. Pour son troisième long métrage, Sameh Zoabi applique le mantra du père de la comédie dramatique, en nous entraînant dans le tournage d’un soap en Cisjordanie. Apanage des JT, ce territoire qui concentre les tensions israélo-palestiniennes sert de décor au méta-film Tel Aviv on Fire, en salle depuis hier. Avec une implacable drôlerie, cette fresque politique exprime le message égalitaire de son auteur, né dans un village arabe dépourvu de salle de cinéma et qui a découvert le septième art à Tel Aviv. Son biculturalisme lui donne la légitimité de porter la voix de deux peuples qui ont plus en commun qu’ils ne se l’avouent, à commencer par le feuilleton du film, qui captive le public des deux côtés du mur de Gaza.

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Vivant en Israël et travaillant à Ramallah, Salam franchit chaque jour le checkpoint de l’officier israélien Assi. Entre l’opiniâtre gradé et le Palestinien trentenaire aux airs de Gaston Lagaffe va alors se nouer une étonnante collaboration, à grand renfort de houmous et de jeux d’influence. En échange de la précieuse purée de pois-chiches, et pour briller aux yeux de sa femme, le militaire accepte de devenir le nègre du scénariste en manque d’inspiration. Un partenariat d’une apparente légèreté, à travers lequel Zoabi laisse entrevoir une réalité bien moins fictionnelle : celle d’un conflit perpétuel.

« Le conflit en Israël est semblable à un soap, on n’en voit pas la fin »

Se décrivant comme « optimiste par nature », Sameh Zoabi prend le parti de l’humour pour « exprimer plus de choses qu’on a la possibilité de le faire avec un ton neutre », comme il le confiait en conférence de presse. « Le rire est aussi une manière de prendre du recul », précise celui dont la mise en scène paraît aussi nonchalante que son protagoniste. Qu’on ne s’y trompe pourtant pas, Tel Aviv on Fire a été mûrement réfléchi. Résultat d’une gestation de cinq ans, le long métrage est façonné par un montage astucieux et des dialogues ciselés à la réplique près, de sorte que chaque punchline tombe juste.

La mue comique de Lubna Azabal

Le personnage qui incarne le mieux cette ironie parfaitement dosée est celui de Lubna Azabal. Héroïne incandescente de Denis Villeneuve dans Incendies, la comédienne ne laisse pas s’éteindre les braises de la critique politique, mais cette fois avec le rôle à contre-emploi d’une diva de soap. Prochainement à l’affiche de Sofia, elle complète un casting dont se détache Kais Nashif (Salam), la révélation du film, qu’on croirait sorti d’un film de Woody Allen s’il ne se montrait pas si peu bavard.

Le personnage qui incarne le mieux cette ironie parfaitement dosée est celui de Lubna Azabal. Héroïne incandescente de Denis Villeneuve dans Incendies, la comédienne ne laisse pas s’éteindre les braises de la critique politique, mais cette fois avec le rôle à contre-emploi d’une diva de soap.

Tendresse et exigence

Côté montage, Catherine Schwartz a tiré avantage de sa méconnaissance de l’arabe et de l’hébreu. « Elle parle uniquement français et ne percevait donc que le caractère visuel du film », indique le metteur en scène, pour qui le rythme haletant est un atout certain. La photographie se fait douce pour envelopper la bande de personnages qu’on adore suivre dans ses contradictions identitaires, à l’image de deux sociétés pour lesquelles Zoabi a autant de tendresse que d’exigence. Interrogé sur la genèse du projet, le réalisateur explique : « J’ai voulu faire un film sur les divergences de points de vue et la manière dont chacune des deux nations tente de faire pencher la balance en sa faveur ».

  • Tel Aviv on Fire, de Sameh Zoabi, avec Kais Nashif, Yaniv Biton et Lubna Azabal. Sortie prévue en février 2019. En Compétition.