the dead dont die cover
Avec The Dead Don’t Die, Jim Jarmusch donne vie au 72e Festival de Cannes. Inaugurée par un Edouard Bear qu’on a justement connu plus vivifiant, cette nouvelle édition s’est ouverte sous le signe des morts-vivants, grâce à la comédie décalée d’un maître du film de genre indé. Après le western contemplatif, le néo-chanbara, ou le film de vampires, Jarmusch prend un malin plaisir à s’atteler aux zombies. La campagne de promotion signée Universal annonçait « un casting à réveiller les morts ». Promesse tenue, toutefois, Bill Murray et ses irrésistibles acolytes ne suffisent pas à porter un scénario qui peine à se maintenir. Impressions en demi-teinte pour ce premier film de la Compétition qui, s’il a le mérite d’entamer les festivités au sens propre, n’a pas l’envergure d’une Palme d’or.

the dead dont die affiche
Ancré dans une Amérique rurale presque figée dans le temps, le décor de The Dead Don’t Die voit se dessiner les contradictions de notre époque moderne. Registre idéal pour glisser une critique sociétale, le film de genre offre à Jim Jarmusch l’occasion de titiller à la fois les trumpistes et les hipsters. Dans son viseur, on découvre ainsi des hommes et des femmes si avides des distractions de l’ère moderne qu’ils cherchent à assouvir leurs pulsions quitte à revenir de l’au-delà pour cela. Wifi, alcool, mode… tous les domaines y passent, sans qu’on sache toujours où Jarmusch veut nous conduire quand il nous embarque dans la voiture de patrouille de son duo de flics.

Dans la veine des comics

Délicieusement désabusés, les inspecteurs Robertson (Murray) et Peterson (Adam Driver) forment néanmoins un tandem cartoonesque à qui peu de lignes de dialogues sont nécessaires. Louée par le maître de cérémonie Edouard Bear dans son discours, la « poker face » du héros de Broken Flowers, fait effet. De surcroît lorsqu’elle trouve, en miroir, celle d’un coéquipier du même acabit sur le plan démonstratif, mais sensiblement différent en termes de caractère. Driver, loin de faire dans la dentelle, n’a en effet plus rien du poète de Paterson ; à ceci près que les noms de ses deux personnages ne diffèrent que d’une syllabe. On taira le twist que les deux protagonistes opèrent dans un échange qui devrait plaire aux afficionados des ruptures de ton. A contrario, celui-ci laissera pantois les spectateurs n’adhérant pas à ce léger coup de poker.

L’écueil du film choral

Fort d’une galerie de personnages secondaires caricaturaux, The Dead Don’t Die s’appuie – probablement un peu trop – sur la performance d’acteurs dont le spectateur guette les pastilles d’humour, comme Danny Glover, Selena Gomez, Steve Buscemi, ou Iggy Pop, plus caféinomane que jamais. Moins introspectifs qu’à l’accoutumée, ces personnages se déclinent à travers un éventail de stéréotypes savamment exploités. Mention spéciale, ici, à l’accent écossais et au jeu déconnecté de toute réalité de Tilda Swinton. Saluons, enfin, les clins d’œil que le réalisateur distille en hommage aux classiques et principalement à George Romero. Glissant çà et là des références de rigueur, il emploie les codes de ce registre ô combien cinéphile, souvent cantonné aux séries B.

Film de genre de bonne facture, The Dead Don’t Die n’est pas suffisamment mordant – malgré ses scènes de cannibalisme – pour faire date. En dépit de sa distribution de haut rang, de ses punchlines bien amenées et de sa mise en scène maîtrisée, le film ne porte pas tant la patte de Jarmusch que celle du studio grand public qui l’a produit. À l’instar du sort réservé aux morts-vivants, The Dead Don’t Die risque bien de s’évanouir en poussière au sein d’une sélection dont on a hâte de découvrir les prochains challengers.

  • The Dead Don’t Die, de Jim Jarmusch, avec Bill Murray, Adam Driver et Chloë Sevigny. Actuellement en salles.

En Compétition