Hiroshige, Tokaido
Hiroshige, Tokaido

A l’heure où s’achève l’exposition« Hiroshige, l’art du voyage. Van Gogh Rêve de Japon » qui se déroule depuis le 3 octobre dernier à la Pinacothèque de Paris, le moment est venu d’accomplir un petit bilan critique de cette exposition-évènement qui n’aura pas tenu toutes ses promesses

Jusqu'au 17 mars
Jusqu’au 17 mars

Ce n’est pas la première fois que je suis amenée à vous présenter deux expositions simultanément. Helmut Newton et Alice June ont déjà fait l’objet d’une comparaison. Comparaison qui s’imposait tant en ce qui concerne la proximité familiale des deux artistes que leur travail. En l’occurrence  il s’agit pour le présent article de deux œuvres de deux artistes majeurs mais de prime abord très éloignés l’un de l’autre. La Pinacothèque a en effet pris le pari de présenter simultanément le travail de Van Gogh et d’Hiroshige dans son exposition : « Hiroshige, l’art du voyage. Van Gogh Rêve de Japon » jusqu’au 17 Mars. Si le premier est vu, revu au point d’en devenir ennuyeux, le deuxième l’est nettement moins. C’est justement cette opposition entre deux artistes que tout en apparence sépare et l’envie de connaître le lien que les commissaires de l’exposition on pu trouver qui furent le moteur de cette visite et donc de cet article.

Un prétexte au voyage

Il n’est plus très utile de vous présenter Vincent Van Gogh, ce peintre souvent assimilé au mouvement impressionniste et pourtant si singulier, dont la psychologie particulièrement perturbée est perceptible dans ses toiles. Il est en revanche de rigueur de vous parler d’Hiroshige, peintre japonais du XIXe siècle. Peinture japonaise qui est d’ailleurs méconnue et mal comprise des civilisations occidentales. En effet, une estampe japonaise ne peut être abordée de la même manière qu’un tableau, qu’il soit de Poussin ou de Van Gogh. Aujourd’hui encore un japonais passera beaucoup plus de temps face à une oeuvre qu’un français. En effet, la toile est un prétexte à un voyage intérieur. Un support à méditation plus qu’une simple évaluation technique.

En effet, la toile est un prétexte à un voyage intérieur. Un support à méditation plus qu’une simple évaluation technique

Hiroshige

C’est par ailleurs d’autant plus intéressant, que l’oeuvre d’Hiroshige est aussi bien un voyage intérieur qu’un voyage géographique. Un voyage géographique, puisque l’ensemble de son travail consiste en une représentation des différents paysages d’une côte à l’autre du Japon. Ainsi sa principale qualité, constitutive de sa notoriété insulaire, est de savoir représenter avec autant de réalisme et de sagesse une montagne enneigée qu’une côte ensoleillée. Cependant son travail remarquable a du mal à quitter l’île, et de l’art japonnais les occidentaux n’ont que l’image de la fameuse vague d’Hokusai.

Une inspiration japonisante

Vincent Van Gogh fut d’ailleurs le premier à se passionner pour l’art japonais dans le cercle d’artistes de l’époque, en collectionnant estampes sur estampes, les reproduisant d’abord, se les réappropriant ensuite, s’en inspirant enfin. Il fit connaître cet art aux impressionnistes qui à leur tour y trouvèrent une source d’inspiration.

A chaque toile, ce n’est pas un jeu des sept différences que le visiteur est amené à résoudre mais un jeu des pseudos-ressemblances

Il est alors évident que certains thèmes, voire certaines compositions ont inspiré Van Gogh et les impressionnistes. Mais de la à déduire que l’ensemble du travail du premier est influencé en grande partie voire entièrement reste une conclusion un peu hâtive et grossière. C’est pourtant ce qu’il ressort du travail de l’exposition. A chaque toile, ce n’est pas un jeu des sept différences que le visiteur est amené à résoudre mais un jeu des pseudos-ressemblances. En effet l’oeuvre de Van Gogh est accompagnée d’un panneau composé d’un extrait d’une estampe d’Hiroshige dont la composition semble avoir un rapport plus lointain que proche avec une partie de l’oeuvre de Van Gogh, à tel point qu’il faut par exemple passer par l’addition de deux parties de deux estampes d’Hiroshige pour arriver à la motte de foin de Van Gogh ! Il ne faut pas plus de deux exemples pour se rendre compte que l’assimilation est baroque et alambiquée.

Vincent Van Gogh, Arles, Nuit étoilée sur le Rhône 1888
Vincent Van Gogh, Arles, Nuit étoilée sur le Rhône, 1888

Les similitudes de composition ne sont pas les seuls points sur lesquels les commissaires ont voulu justifier la présentation concomitante d’arrivages de toiles de deux artistes majeurs, qui, pris indépendamment auraient pu fournir deux expositions de qualité. En effet, le deuxième point de comparaison se base sur les correspondances entre certains thèmes récurrents chez les deux artistes, à savoir « les personnages, la nature, la ville, la vie ». On aurait difficilement pu trouver plus général !

Une volonté de revoir et réinterpréter Van Gogh, réinterprétation de rigueur tant le sujet a été traité, mal fondé et raté; le manque de mise en valeur et d’analyse du travail d’Hiroshige, sujet pourtant original et intéressant puisque méconnu: voici deux éléments constitutifs d’une exposition plus que décevante.

Hiroshige, Nuit de neige à Kambara
Hiroshige, Nuit de neige à Kambara

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Cassandre Morelle