Marseille Vieux Port, Pascal Giroud, 2002

Marseille, capitale européenne de la culture pour 2013 : l’occasion pour Zone Critique de revenir sur les grands écrivains qui se sont intéressés à cette ville. Dans leur anthologie Les Écrivains et Marseille, Julie Agostini et Yannick Forno dessinent les contours d’une perception littéraire de la cité phocéenne.

1997

Marseille, c’est d’abord une langue, à laquelle aucune oreille ne peut rester insensible, encore moins celle d’un écrivain. Les accents de la langue marseillaise font rire Guy de Maupassant: « tous les Marseillais réunis donnent à l’accent une exagération qui prend les allures d’une farce.» En revanche, elle provoque le malaise de Flora Tristan, une théoricienne socialiste et féministe du XIXe siècle, qui ne la perçoit que comme du  «mauvais français à entendre».

«La ville du midi par excellence»

Comme l’a dit Stendhal, Marseille c’est aussi «la ville du midi par excellence», un lieu qui  rassemble tous les aspects de la région provençale. L’auteur du Rouge et le Noir a été sensible à l’amphithéâtre de rochers arides bordé par de petits arbres verts qui abrite cette ville portuaire. Marseille repose sur un espace qui dépend de l’humeur des vents. «Le temps change tellement qu’on a souvent les quatre saisons le même jour» s’est souvenu Schopenauer, le philosophe allemand passé par Marseille durant son adolescence. La ville rassemble les saisons, l’essence d’une région, et différentes lumières. Pour Jean Giono, l’écrivain de la Provence profonde, à l’ombre des collines, Marseille est une ville solaire. Elle absorbe les rayons reflétés par la mer. Giono s’arrête devant la Méditerranée «rudement taillée et retaillée par le soleil,» qui «étincelait pleine de poussière, de copeaux, d’écailles et de facettes aveuglantes». Pour Le Clézio, Marseille est une ville sombre. Le Nobel 2008 décrit l’eau noire des quais où l’on arrête et entasse les immigrés venus de l’autre rive. A Marseille, le passant est invisible, noyé dans l’ombre de la foule et des étroites ruelles.

Une ville d’accueil

Dans cette anthologie, de nombreux écrivains ont découvert Marseille sous le signe de l’ouverture. Elle est une ville d’accueil pour le poète Lamartine, fasciné par le port qui «sur ces mers rayonnant d’espérance s’ouvre comme un nid d’aigle aux ailes des vaisseaux». Le haut potentiel commercial de cette ville ouverte sur l’espace méditerranéen en a fait rêver plus d’un, et notamment Jospeh Méry, écrivain du XIXe qui place dans cette ville ses espoirs de révolution industrielle à la française: selon lui «Marseille fera voir à la Méditerranée la puissance mercantile et industrielle de New-York et de Liverpool». C’est ce génie commercial qu’ont partagé Marseillais et Phéniciens dans l’histoire de la civilisation méditerranéenne, remarque le romancier du XXe siècle Raymond Jean.

Est-il intéressant de savoir que Pétrarque est passé par la cité phocéenne une fois dans sa vie ?

Ce livre contient les défauts de son genre. Dans son projet anthologique, il rassemble certains textes insignifiants qui ne mentionnent Marseille que sur une ligne sans en parler vraiment. Est-il intéressant de savoir que Pétrarque est passé par la cité phocéenne une fois dans sa vie ? Mais ce livre permet de rassembler certains écrivains face à un même objet et de faire ressortir certaines talents artistiques. Les grands écrivains ont su restituer l’atmosphère unique de cette ville, comme Flaubert ou Simone de Beauvoir, qui décrit sa rencontre avec Marseille: « je grimpais sur toutes les rocailles, je rôdai dans toutes les ruelles, je respirai le goudron et les oursins du Vieux Port», «j’eus le coup de foudre».

  • Les Écrivains et Marseille, Julie Agostini et Yannick Forno, Editions Jeanne Laffitte, 1997.