Murmure des murs 1

Derrière chaque mur, c’est un univers tangible et onirique que l’on pénètre. Tantôt merveilleuses, tantôt effrayantes, des créatures hybrides marchent et dansent au rythme effréné de mélodies diverses et variées. Après son époustouflant Cirque Invisible (2008), Victoria Thierrée-Chaplin reprend ses quartiers de printemps au théâtre du Rond-Point avec sa nouvelle pièce Murmures des murs.

Murmures des murs 2
Jusqu’au 23 mai

L’histoire, il n’en y a pas vraiment. On a l’impression d’assister à un rêve éveillé ; une succession de scènes sans lien visible entre elles. Au début, une jeune femme s’amuse à faire éclater du papier bulle lorsqu’un agent immobilier la somme de partir. Un filet de sable coule du plafond comme pour annoncer le passage de la veille au sommeil. L’héroïne est seule, perdue au milieu de cartons à déménagement. Elle y entrepose des objets qui aussitôt disparaissent ou se métamorphosent. Comme la petite Alice de Lewis Carroll, on dirait qu’elle aussi s’est laissée prendre dans un tourbillon de fantasmes délurés. Elle escalade des murs, les traverse, se retrouve dans différents lieux où des hommes masqués, vêtus d’un gris minéral errent, imperturbables. Elle rejoint un complice, avec qui, elle joue une scène domestique dans la peau d’un oiseau gracieux. Elle se déguise donc, rencontre des monstres en carton, en papier bulle, à tête de soufflet, échappe à un dragon aquatique et à l’agent immobilier qui la poursuit et partage, malgré lui, l’aventure.

Une performance visuelle et sonore

Mimes, marionnettes, claquettes, acrobaties, autant de caractéristiques du cirque que l’on retrouve dans Murmures des murs. Malgré l’absence d’intrigue, on participe à un périple surréaliste propre à l’univers de Victoria Thierrée-Chaplin, petite fille de Charlie, où l’imagination est reine. Et on ne perd pas le fil. Parce que chaque événement est une nouvelle surprise, qui provoque un rire discret, un léger malaise ou une expérience esthétique. Les décors mouvants, interchangeables forment des espaces que l’héroïne explore, accompagnée par des jeux de lumière et des mélodies ou sons primitifs créés à partir de tintements de casseroles. Murmures des murs est une performance visuelle et sonore, une épopée sensorielle qui nous prouve que tout est dépassable. Un mur, sans être une limite, matérialise une invitation à franchir le seuil de l’imaginaire, de l’inconscient. L’héroïne, incarnée par Aurélia Chaplin, la fille de la metteuse en scène, nous guide dans ce voyage démentiel au pays de l’insolite, de la minéralité, de la sensualité, dans une atmosphère légère et poétique. A travers les différentes scènes, transparaissent des thématiques universelles ; la solitude, la liberté, la folie. Mais tenter de tout intellectualiser ferait perdre au spectacle de sa magie.

L’héroïne, incarnée par Aurélia Chaplin, la fille de la metteuse en scène, nous guide dans ce voyage démentiel au pays de l’insolite, de la minéralité, de la sensualité, dans une atmosphère légère et poétique

Du spectacle vivant à l’état pur

Dans Murmures des murs – le titre le suggère au premier abord -, tout est vivant. Lorsque la jeune femme dévisse une ampoule, cette dernière reste allumée. Lorsqu’elle enlève ses chaussures, quelques instants après, elles reviennent à ses pieds, comme par enchantement. Les objets auraient-ils une âme ? C’est dans ce fourmillement d’existence, cette contingence du réel au sens sartrien, que s’évade Aurélia Chaplin. Tout se meut, tout échappe à une quelconque immobilité. Ainsi, Murmures des murs ne cesse de faire jaillir la vie.

  • Murmures des murs, conception et mise en scène de Victoria Thierrée-Chaplin  jusqu’au 23 mai au théâtre du Rond-Point

Jeanne Pois-Fournier