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La photographe Isabelle Reed (Isabelle Huppert) face à son mari Gene (Gabriel Byrnes). © Jakob Ihre – Motlys

Dans Back home, le réalisateur norvégien Joachim Trier dresse le portrait d’une famille meurtrie par la perte d’une mère photographe de guerre.

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Back home s’ouvre sur une scène classique : un enfant tout juste né tient le doigt de son père. Une naissance à la maternité, un moment de grand bonheur, en théorie. Pourtant, l’ambiance est instable entre Jonah et Amy, les parents. Elle est épuisée, affamée. Il a oublié de lui apporter des victuailles. Dans les couloirs morbides de l’hôpital, Jonah part en quête de ravitaillement. Il trouve porte close à la cafétéria, s’égare, croise son ex-petite amie dont la mère est malade, et trouve la lumière éteinte en revenant penaud dans la chambre, un paquet de gâteaux à la main.

L’illusion du couple heureux n’aura donc duré que quelques infimes minutes. L’héroïne du film de Joachim Trier, c’est bien l’absence. Celle qui pèse sur la famille Reed depuis la mort d’Isabelle, la mère de Jonah, grande photographe spécialisée dans les reportages de guerre.

Suicide déguisé

Pour Conrad, le dernier de la fratrie, et le grand public, Isabelle Reed est morte dans un accident de voiture. La réalité semble tout autre, et Joachim Trier le révèle dès le début du film : une fois son appareil raccroché, la photographe s’est suicidée. Alors qu’un article du New York Times rédigé par un proche d’Isabelle va lever le voile sur cette mort, Jonah et son père s’interrogent sur l’attitude à adopter face à Conrad, ado mutique. Lui révéler un secret caché depuis des mois ? Ou attendre le dernier moment pour ne pas le perturber davantage ?

A coups d’aller-retours imprévus entre passé et présent, le réalisateur norvégien exprime de belle manière les doutes qui rongent les trois survivants de la famille. Gene (Gabriel Byrne), papa dépassé par l’absence de communication de son plus jeune fils et qui tente de se reconstruire une vie amoureuse. Conrad (Devin Druid), adolescent solitaire et secret, enfermé dans ses jeux vidéos. Jonah (Jesse Eisenberg), jeune thésard tout juste papa, effrayé par ce nouvel arrivant.

Entre eux se tisse le souvenir de la disparue (incarnée par Isabelle Huppert) qui était à la fois distante et aimante, partagée entre l’amour de son travail et ses attaches familiales.

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Jonah (Jesse Eisenberg) et Conrad (Devin Druid), deux frères en manque de communication. © Jakob Ihre – Motlys

Le dilemme de la photographe

A travers une histoire familiale singulière, Joachim Trier s’interroge aussi sur le métier de photographe de guerre. Où se situe la place d’Isabelle Reed, où est son foyer ? Sur le terrain, auprès des populations capturées par son objectif ? Ou bien dans sa maison, aux côtés de ses fils et de son mari ? Le réalisateur se garde bien de donner une réponse simpliste et ouvre des pistes de réflexion.

Les acteurs de Joachim Trier sont parfaits dans leur rôle. Dommage que la seconde partie du film n’ait pas la même intensité que la première : le propos se relâche et la voix-off devient parfois agaçante. On reste toutefois attentif jusqu’au bout pour savoir si Gene, Jonah et Conrad réussiront à recoller les morceaux de leur photo de famille déchirée.

  • Back home, de Joachim Trier, avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne, Jesse Eisenberg…
  • En compétition officielle au Festival de Cannes 2015.

Lola Cloutour