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Présenté au 5e Champs-Élysées Film Festival, dans la catégorie avant-premières, Layla in the sky fait partie de ces films qui s’imprègnent dans l’esprit, à la manière d’une comète ; filante et étincelante. Si la galaxie du cinéma actuel peut sembler nébuleuse, certaines étoiles brillent plus singulièrement que d’autres. C’est le cas de Layla in the sky, qui pose un regard juste et sensible sur une génération adolescente en quête de repères, dans une Amérique tiraillée entre puritanisme et décadence, paraissant oublier l’essentiel. Dans le désordre de sa ville, Layla, 17 ans, concentre la quintessence du bel âge, en dépit de tous les obstacles qui s’accumulent, en l’empêchant d’étendre ses ailes pour s’envoler dans le ciel rêvé qui donne son titre au film.

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Le titre VO est plus cynique – Petting Zoo – mais reflète davantage la jungle dans laquelle la douce Layla marche et trébuche. Lorsqu’on la découvre, elle rentre du lycée et fait la vaisselle pour son petit-ami, qui préfère, quant à lui, sécher les cours pour fumer des joints avec ses copains. Cette séquence d’introduction résume, à elle seule, le défi quotidien que Layla doit relever pour garder la tête hors de l’eau. On imagine bien, en contemplant son regard mélancolique, qu’une certaine injustice et une succession de choix hasardeux l’ont conduite là. Toutefois, ce qui compte n’en pas tant d’où elle vient, mais où elle va. Élève brillante, en dépit de conditions de vie déplorables, la blonde aux pointes teintes en rose est au seuil de la fac, grâce à une bourse universitaire en forme de sésame pour une vie meilleure. Seulement voilà, Layla tombe enceinte.

Les bons auspices des festivals

En prenant le Texas pour décor de son premier long métrage, Micah Magee ancre son histoire dans l’un des états les plus conservateurs d’Amérique. L’argument de Layla in the sky provient d’une éloquente statistique : en 2011, on a recensé deux fois plus de grossesses adolescentes à San Antonio que la moyenne nationale. Surnommé The Lone Star State (l’état de l’étoile solitaire), le Texas compte, en tout cas, une étoile d’une rare intensité avec Layla. Un personnage magnifiquement incarné par Devon Keller, actrice débutante qui a touché en plein cœur les jurys de Thessalonique et des Premiers Plans d’Angers, lesquels lui ont décerné leur Prix d’interprétation féminine, tandis que le film a également bénéficié des lumières d’une sélection officielle à la dernière Berlinale.

En toute simplicité

Coproduit entre l’Allemagne, la Grèce et les États-Unis, « Layla in the sky a été fait avec un très petit budget, en famille », comme le confiait la réalisatrice, son fils blotti dans son sac à dos, lors de sa venue au Champs-Élysées Film Festival, pour présenter ce film dans lequel ses deux aînés jouent, justement, faute d’avoir une nounou pour les garder pendant le tournage ! La simplicité qui caractérise Micah Magee se ressent dans le bijou de cinéma indé qu’elle propose, pour son baptême du format long, après une entame de carrière sur les ondes d’une radio pirate, et les courts qu’elle a tournés dans le cadre de ses études cinématographiques à Berlin. Comme son héroïne, Micah Magee est née au Texas et s’est inspirée des lieux qui ont bercé son enfance pour insuffler une authenticité supplémentaire à son drame social. Une approche toute personnelle, comme l’est souvent un premier film, qui trouve une résonance d’autant plus prégnante que l’histoire est semi-autobiographique.

Plaidoyer libertaire

Film militant, à fleur de peau, Layla in the sky délivre son message sans emphase et sans fausse note

Militant, à fleur de peau, Layla in the sky délivre son message sans emphase et sans fausse note : un film aussi éthéré que la ballade qui accompagne le générique final, The Water, de Laura Marling et Johnny Flynn. Un message humaniste, emmené par une jeune fille à la touchante indépendance. Portant ce drame sur ses frêles épaules, Devon Keller entraîne le spectateur à la rencontre d’une ado semblable aux lycéennes de son âge et pourtant si singulière, de sorte qu’un sentiment d’empathie jalonne tout le film. Privilégiant plans rapprochés et dialogues réduits à leur minimum, Micah Magee vise juste. Les parents de Layla, absents de sa vie mais décisionnaires de son avenir symbolisent l’Amérique que la réalisatrice entend dénoncer. Intense et nuancé, le film alterne moments empreints d’une vive émotion et séquences plus légères, de manière à servir au mieux le propos de la cinéaste, sans s’éparpiller. Fragile en apparence, mais forte d’une richesse intérieure, son héroïne des temps modernes est sans conteste l’étoile filante de la 5e édition du Champs-Élysées Film Festival.

  • Lalya in the sky de Micah Magee, avec Devon Keller, Deztiny Gonzales, Jocko Sims, sortie le 22 juin 2016.