Détails de l’affiche © Château de Versailles

Le visiteur entendrait presque les rugissements, mugissements, aboiements ou autres piaillements dans les couloirs du château de Versailles en ce moment… La demeure royale de Louis XIV accueille jusqu’au 13 février 2022 une exposition fascinante sur la représentation animale dans l’art au XVIIe et XVIIIe siècle. Point d’hallali à sonner dans cette exposition, ni de curée, le visiteur ne traque rien sinon le plaisir d’une balade bucolique et artistique.

Safari royal !

Dragon en plomb issu du Bosquet du Labyrinthe – © Théo Bellanger

Les Animaux du roi est une promenade à travers douze salles incroyable qui nous permettent d’imaginer à quel point les rois au château de Versailles avaient une véritable admiration, voire fascination pour le règne animal. Du bosquet du Labyrinthe, peuplé d’animaux fantastiques, à la ménagerie royale et ses espèces exotiques en passant par les écuries qui regroupaient plus de 2 000 chevaux ou tout simplement par les forêts du domaine, l’exposition est une formidable découverte sur les rapports qu’entretenait la cour avec l’animal.

Trois salles nous ont subjuguées. À notre arrivée, nous pénétrons le bosquet du Labyrinthe, lieu mythique des jardins du château de Versailles détruits en 1775. La scénographie est remarquable en ce qu’elle nous plonge au cœur du labyrinthe reproduit pour l’occasion et nous présente des pièces exclusives issues des collections du château. À l’époque, trois cents animaux de plomb étaient dispersés au sein du labyrinthe, s’inspirant des Fables d’Ésope. Ces pièces avaient un but esthétique, mais aussi pédagogique et bien sûr politique. La première salle nous offre donc trente-sept de ces sculptures grandioses en plomb : singes, renards, dragons…

Manufacture royale des Gobelins

La deuxième salle à nous avoir transporté est la reconstitution de la Ménagerie royale, que S.M. Louis XIV avait fait construire à proximité du Grand Canal par le grand architecte Louis le Vau en 1663. Ce premier zoo européen, complètement détruit en 1902, démontrait l’assurance du jeune monarque et concentrait la curiosité des courtisans. Madame de Scudéry prononça quelques mots à son sujet dans La Promenade de Versailles : « […] on voit sept cours différentes, remplies de toutes sortes d’oiseaux et d’animaux rares. Leurs peintures sont dans le cabinet, comme pour préparer à ce qu’on va voir, ou pour en faire souvenir après l’avoir vu… ». On y trouvait alors des animaux exotiques, éminemment symboliques pour la cour comme le paon qui se pavane… L’exposition reconstitue ainsi le fameux cabinet dont parle Madame de Scudéry en présentant plusieurs tableaux de Bernaerts ou de Desportes.

Enfin, nous avons aimé la grande salle dédiée à la chasse, qui précède la reconstitution de la Ménagerie royale, pour sa scénographie, mais surtout pour les tapisseries royales de la manufacture royale des Gobelins ainsi qu’un magnifique paravent brodé d’animaux et deux tables dont la mosaïque représente les domaines de chasses du roi Louis XIV.

En ce sens, l’exposition est très dense. Les douze salles abordent un thème lié à l’animal : de sa représentation naturaliste à sa représentation symbolique et bien sûr politique.

Des animaux et des rois

Peut-on imaginer l’amour fou des rois pour leurs animaux ? L’exposition débute sous Louis XIV, mais les monarques ont toujours été passionnés par le règne animal. Notons Henri IV et sa passion des fauves et des singes ou encore François Ier et les ours. Louis XIV, par sa volonté de créer le premier Jardin zoologique, affirme son intérêt pour les animaux rares et exotiques. Soulignons, toutefois, que l’objectif de cette ménagerie était pour le plaisir du roi, mais aussi avait pour but d’impressionner les visiteurs. Ainsi, la ménagerie avait une fonction d’apparat, une sorte de soft power ludique qui offrait aux regards plus de quarante espèces d’animaux exotiques : chameaux, casoars, spatules, flamands roses, perroquets… et un éléphant du Congo envoyé au roi en 1668 par le roi du Portugal ainsi que trois crocodiles offerts par le roi de Siam.

Vue générale de la Ménagerie de Versailles, par Nicolas de Poilly (1646-1686)
© château de Versailles

Au-delà de la fonction politique de l’animal pour les rois et Versailles, notons la passion de Louis XIV et de Louis XV pour leurs chiens. Le visiteur pourra s’amuser devant les portraits des chiens de Louis XV peints par Desportes. On rencontrera donc, inscrits en lettres d’or, les noms de : Pompée, Florissant, Tane, Blanche, Blonde, Coco, Folle et Mite, quelques-uns des chiens préférés du « Bien-Aimé » qui partageait aussi son amour pour les chats, angoras pour être précis, dont un, Général peint par Oudry. Les animaux étaient présents partout, que ce soit dans les jardins ou dans les appartements du château.

Bachelier, Chat et Papillon

L’exposition aborde ainsi l’attachement des souverains mais aussi des personnalités de la cour pour les animaux – n’oublions pas que Richelieu était un homme à chats ! – ce qui n’est pas sans avoir de conséquences sur la pensée du XVIIe siècle et notamment celle de Descartes qui émet la théorie de l’animal-machine contre laquelle se lèvent nombre de courtisans dont la princesse Palatine et Madame de Pompadour. L’avant-dernière salle est ainsi consacrée à la sensibilité animale. 300 chiens de chasse étaient réunis à Versailles, ainsi que 2 000 chevaux dans les écuries royales. Autrement dit, l’animal a toute sa place dans l’iconographie royale et signale la toute puissance du souverain. En ce sens, l’exposition réussit à tisser le lien entre le politique et le symbolique, entre l’esthétique et le savoir.

Une exploration de l’animal

La ménagerie royale fut un terreau formidable pour l’étude des différentes espèces animales. Outre la dimension symbolique et politique, se donne la dimension naturaliste de l’exposition. Les portraits d’animaux de Desportes et d’Oudry sont absolument incroyables. Les couleurs sont somptueuses, les détails délicats et la passion de ces peintres pour les animaux est manifeste. Ils placent, tous les deux, les animaux au même rang que les courtisans dans leurs peintures. L’attention portée à chaque espèce signale l’intérêt naturaliste de l’époque et le désir d’en savoir davantage. Claude Perrault viendra souvent à la Ménagerie pour ses études de même que des membres de l’Académie royale des Sciences.

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L’exposition Les Animaux du roi au château de Versailles est un petit bijou tant elle est riche. Elle offre un éventail large sur la représentation animale. Les dimensions symbolique, politique, esthétique et naturaliste sont représentées avec intelligence et beauté. Les œuvres présentées fascinent, parfois étonnent voire font sourire le visiteur qui découvre alors toute une partie de Versailles méconnue. Par ailleurs, l’exposition était un formidable écho aux sculptures des Lalanne exposées sur le domaine de Trianon.

Les Animaux du roi au château de Versailles jusqu’au 13 février 2022.