© T. Bellanger // MAD style Tutti Frutti / Cartier

Au Musée des Arts Décoratifs de Paris, la grande nef s’illumine par l’éclat des pierres les plus précieuses grâce à la collaboration du musée du Louvre et au soutien de la maison Cartier qui, symbole de la joaillerie française depuis le XIXe siècle, nous ouvre son patrimoine culturel et artistique lors d’une exposition fascinante qui nous emmène aux confins des terres orientales : de la Perse à l’Inde. C’est l’imaginaire oriental qui est convoqué jusqu’au 20 février 2022.

L’inspiration orientale

Au début du XXe siècle, Louis Cartier se met en quête de nouvelles inspirations. Un an après l’ouverture du nouveau magasin rue de la Paix, la période est à l’Art Nouveau, aux lignes sinueuses et asymétriques, au goût pour le naturalisme. Cependant, Louis Cartier, lui, désire autre chose. Passionné par le XVIIIe siècle, il revient à une veine orientale, fouille dans les cahiers de motifs et, surtout, découvre deux grandes expositions, l’une au Musée des Arts Décoratifs en 1903 et l’autre à Munich en 1910, qui présentent l’art islamique ! C’est sans doute ainsi que Louis Cartier va puiser dans les formes et les couleurs des tapis orientaux, des pièces de céramique ou encore dans des objets richement ornés comme des aspersoirs ou des plumiers.

La couleur orientale arrive aussi avec ce qui a révolutionné, d’une certaine manière, les soirées parisiennes de l’époque à savoir les ballets russes de Diaghilev. Les Russes, proches du monde oriental, apportent de nouvelles couleurs, des couleurs très agressives, fort éloignées des couleurs évanescentes de l’Art Nouveau. C’est ainsi que les dessinateurs de Cartier dont Charles Jacquot pensent une nouvelle manière d’aborder le bijou avec des formes audacieuses, en rupture totale avec ce qui a précédé et qui annonce le mouvement Art Déco.

Ainsi, la maison Cartier amène les Mille et Une Nuits dans la joaillerie française. Le lapis-lazuli côtoie le jade vert, le saphir côtoie le rubis, créant ainsi une polychromie étonnante et révolutionnaire. Tout cela est dû à l’incroyable œil des Cartier dont celui de Jacques Cartier, grand voyageur, qui s’est rendu en Inde en 1911, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles créations menées notamment par la formidable Jeanne Toussaint, femme de Louis Cartier. La Panthère, ainsi la surnommait-on, a véritablement révolutionné la maison Cartier.

Tout cela est dû à l’incroyable œil des Cartier dont celui de Jacques Cartier, grand voyageur, qui s’est rendu en Inde en 1911, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles créations menées notamment par la formidable Jeanne Toussaint, femme de Louis Cartier. La Panthère, ainsi la surnommait-on, a véritablement révolutionné la maison Cartier.

Une histoire de formes

L’exposition proposé au Musée des Arts Décoratifs de Paris s’ouvre sur l’influence des formes de l’art perse dans les créations de la maison de joaillerie. On retrouve ainsi le motif fameux boteh qui rappelle, par sa forme, une goutte d’eau ou la frondaison d’un cyprès. En persan, il signifie « bouquet de fleurs ». Cartier le parsème. La forme profuse donne alors naissance à des créations merveilleuses, fleurs précieuses aux éclats somptueux. Les décors de briques émaillées ou encore les motifs des tapis persans constituent le terreau d’un style, celui de l’Art déco qui prendra son essor en Europe dans les années 1920.

L’arabesque est aussi très présente ainsi que les motifs géométriques que l’on retrouve sur les céramiques perses. L’exposition ainsi montre les nombreuses études des dessins de joailliers qui témoignent de cette recherche de la forme que l’on retrouve alors dans la taille des pierres, mais aussi dans l’agencement de ces dernières sur le bijou. Ainsi naît le dialogue entre l’Orient et l’Occident. Sur un diadème ou sur le dessus d’un vanity ou encore en collier, le motif perse est partout, sublime la pièce et la teinte d’une douce coloration orientale jamais vue auparavant.

Cartier, le joaillier des rois

Sa majesté le roi Edouard VII avait eu cette formule si vraie à propos de Cartier : « le roi des joailliers et le joaillier des rois. ». Si Cartier fournissait un grand nombre de cours européennes, la maison a énormément permis au Maharadjahs de témoigner de leur puissance grâce à leurs bijoux. Dès 1911, Jacques Cartier se rend en Inde pour le négoce des pierres. Il y ouvre un bureau à Delhi et se rapproche de ces grandes fortunes indiennes. Ainsi, les Maharadjah de Patiala demandent de monter des pierres précieuses sur des montures aussi extravagantes que leur pouvoir. En témoigne le collier de cérémonie qui apparaît sur l’affiche de présentation de la pièce de joaillerie. Au centre de ce collier, un diamant jaune de 240 carats illumine de ses rayons.

Une innutrition s’opère. Le travail que donnent les Maharadjas inspirent la création occidentale. Se développent ainsi les pierres gravées qui donnent naissance au style Tutti frutti de Cartier, pensée par Jeanne Toussaint qui est l’initiatrice de ce style flamboyant inspiré d’Inde.

L’exposition au musée des Arts décoratifs le montre bien. Des pièces absolument exceptionnelles ainsi que des documents témoignent de la richesse de cet échange entre les deux cultures. Encore aujourd’hui, la maison Cartier puise dans ses archives et varie sur le thème, proposant alors des pièces contemporaines qui rappellent les années extraordinaires de Jeanne Toussaint et de son esprit créateur absolument fascinant.

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Comme toutes les expositions de joaillerie, celle proposée par le Musée des Arts Décoratifs et le Dallas Museum of Art jusqu’au 20 février 2022 nous laisse rêveur. Outre la beauté des pièces présentées, l’exposition est un véritable voyage en Orient, révélant avec élégance la grandeur de cette culture islamique qui a nourri la maison Cartier. De la Perse à l’Inde des Maharadjas, Cartier et les Arts de l’Islam – Aux sources de la modernité est une invitation au voyage, l’aventure d’une maison qui a toujours cherché le style plus que la mode.