Pierre Vinclair, poète, romancier et directeur de la revue Catastrophes, a publié, le 12 janvier dernier, chez Flammarion, son dernier recueil : L’Éducation géographique. Nous avions déjà eu l’occasion de le rencontrer à la faveur de la sortie de La vie du poème en novembre 2022. Invité du podcast « Je tiens absolument à cette virgule », il a accepté de répondre à quelques questions sur la composition de son ouvrage au micro d’Hervé Weil ainsi que sur le projet de grande envergure dans lequel ce volume s’inscrit.

Pourquoi avoir choisi ce titre ?

Il s’entend dans plusieurs sens. D’abord, plus qu’en son sens scolaire, il faut le comprendre dans son sens étymologique : « géo », la terre et « graphique », l’écriture. C’est donc une tentative d’écriture de la Terre et d’écriture par le rapport à la Terre.

Cette entreprise poursuit donc l’ambition d’un de mes ouvrages précédents La sauvagerie , c’est-à-dire une approche que l’on peut qualifier « d’éco-politique ». Mais L’Éducation géographique , c’est aussi évidement une référence à L’Éducation sentimentale » de Flaubert. Il s’agit plus précisément d’une éducation géographique de mes filles à la poésie. Ce recueil sera suivi de trois autres volumes afin de former une tétralogie.

La structure finale de ces quatre livres est-elle déjà décidée ?

L’œuvre devrait compter quatre volumes de vingt-cinq chants chacun. L’ensemble sera traversé par un livre fantôme, puisqu’il n’existe pas dans sa matérialité de livre, qui est L’amour du Rhône et qui comptera quant à lui normalement vingt-quatre chants répartis sur les quatre ouvrages.

Avez-vous déjà commencé à écrire ou à composer ces œuvres à venir ?

Le deuxième volume est bien avancé. C’est un texte sur les personnes qui me sont essentielles. J’essaie surtout par ce biais de répondre à un questionnement éthique : qu’est-ce qui est important pour moi et pour les gens qui comptent pour moi ? À cette question-là, se tresse un ensemble de portraits de personnes qui sont ou bien les portraits de personnes qui ont compté dans ma vie, que ce soit des personnages historiques dont je juge important de redonner la biographie, ou bien des personnages fictifs. Il y a aussi, par exemple, un chant qui est simplement une espèce d’autoportrait en creux. Quant aux troisième et quatrième recueils, je préfère ne pas m’avancer tout de suite parce que je n’en ai pas encore commencé la composition, donc j’ignore où ils m’emmèneront.

Des prémices de cette structure sont-elles déjà présentes dans ce premier tome qu’est  l’Éducation géographique  ? 

Oui, car il ne s’agit pas de faire quatre blocs complètement différents les uns des autres, mais de produire une totalité organique où les choses glissent progressivement vers l’aspect suivant. Ainsi chaque volume est construit sur un principe de majeure et mineure. Par exemple dans l’Éducation géographique, il y a un texte qui s’appelle « à Ayumi », qui est un portrait et qui donc répond tout à fait à l’ambition du deuxième volume.

Quelle est votre ambition à travers la composition de cette œuvre ?

C’est un projet que je me suis donné vingt ans pour achever et où j’essaie de faire le point. La vie est assez courte. Je ne vois pas comment on peut occuper mieux son temps libre que d’essayer, parallèlement aux expériences que l’on fait du monde, d’en sonder la signification, puis de leur trouver leur forme propre et la plus à même de leur donner leur relief. Ne serait-ce que pour pouvoir les transmettre à mes filles, quand je ne serai plus là.

Sur Facebook vous avez créé un groupe Le Grand brouillon ou chacun peut partager ses poèmes et solliciter l’avis des autres. Quelle est l’intention derrière cette démarche ?

J’aime beaucoup discuter de la fabrication d’un texte avec des amis ou encore commenter des brouillons.

J’aime beaucoup discuter de la fabrication d’un texte avec des amis ou encore commenter des brouillons. Le poème à mes yeux n’est pas quelque chose de sacré devant lequel il faudrait s’agenouiller et qu’il faudrait admirer sans rien dire. Cependant les réseaux sociaux, c’est un peu la foire d’empoigne. Je souhaitais donc y créer un environnement favorable, un peu à part, en respectant quelques règles simples, afin de pouvoir exposer quelque chose comme un poème qui est quand même un type d’être assez fragile.

À titre personnel, quand j’ai envie de partager une tentative formelle que je suis en train d’élaborer, j’aime bien le poster sur ce groupe, afin que chacun puisse réfléchir à la manière de l’améliorer, comme pourrait le faire des ingénieurs autour d’une aile d’avion. Ainsi pour le deuxième tome, qui suivra L’Éducation géographique, il y a une série de vingt poèmes sur un barrage situé à Lyon, qui abordent la question hydro-électrique. Je voulais trouver une forme propre, qui ait un sens et cette forme s’est précisée au fur et à mesure, en quatre tentatives, grâce aux remarques postées sur ce mur.

Propos recueillis et retranscrits par Hervé Weil

Bibliographie :

  • Vinclair, Pierre, L’éducation géographique, Flammarion, 2022.
  • Lien du podcast « Je tiens absolument à cette virgule » : https://herveweilpodcast.fr/