Paru aux éditions Bouclard au début du mois de novembre, Les Watères du château, est le nouveau texte de Guillaume Marie, nouvelle expérience d’écriture et véritable roman, il en détourne les codes, à l’envi parodique et plein d’humour, bourré de références et de clins d’oeil, bref un texte savoureux et déroutant.

Explorant différentes facettes de l’écriture pour nous étourdir toujours un peu plus, Marie prend plaisir à écrire et ça se sent.

C’est que l’automne connaît son lot de surprises littéraires et ces Watères en est une, à n’en pas douter. Construit dans un ensemble composite, le roman de Guillaume Marie emporte le lecteur dans une série d’aventures fantasques. Explorant différentes facettes de l’écriture pour nous étourdir toujours un peu plus, Marie prend plaisir à écrire et ça se sent. Si tout commence par l’évocation du château familial du personnage principal – château qui en filigrane occupera de bien des manières l’esprit et les projets du héros – c’est bien parce qu’on y trouve ces watères, poussiéreux et inaccessibles pour…l’aspirateur : « Après quelques années, j’avais annoncé à la famille que je ne passerais même plus le chiffon ou la balayette dans les watères du quatrième tant que papa n’aurait pas acheté une rallonge. Mais il était du genre à justement ne rien céder au moindre chantage et ma mère s’en fichait. » Une anecdote digne d’une comédie de caractères autour de laquelle se déploie une série d’événements qui interrogent avec force le pouvoir de la fiction et ses potentialités jouissives. Si on suit le personne Guillaume au gré de ses péripéties, chaque chapitre est construit avec une économie propre et thématique, qui s’inscrit à la manière d’un puzzle dans la composition globale qu’est le texte et autorise l’auteur à travailler chaque passage de différentes manières, soit en bousculant la narration, soit en bousculant la typographie, soit l’écriture elle-même.

Récit façonné de 14 chapitres dont les titres empruntent à Rabelais la tournure résumée, ou encore à Voltaire – « chapitre premier, où l’on prend connaissance du héros de ce qui livre, qui en est aussi le narrateur, et où l’on entend parler de sa famille pour la première fois » – il faut bien voir dans ce personne un Gargantua ou un Candide, bref un jeune homme – chevalier errant aux petits pieds, qu’il truche – dont le réel déroute et qui chemine, un peu victime des événements, lesquels tirent vers l’épopée parodique. Le vacillement du réel, le trouble de l’étrange ou du désir, les scènes topiques,… le roman regorge de saynètes aux potentialités multiples. Et là quelques épisodes qui rappellent certains héros du roman médiéval, et ici ces fameux récits enchâssés de tout bon roman gothique puis fantastique, et là les petits mecs qui s’accumulent sur un bateau, attrapé au cul comme un Genet retourné, ; un poulpe fétichiste du sperme, qui rappelle un certain poulpe dont parlait déjà Marie dans sa nouvelle Le Poulpe de la mer Ligure, publié par le Collectif Pou – dont est Marie, dans une collection de nouvelles érotiques. Travail de l’écriture donc, travail de la littérature surtout, de reprises de scènes, de jeux des références, de génie de la construction, avec quelques inclinations érotiques délicieuses, lors de cette longue scène à la description géniale où le « tentacule se promenait en tout cas désormais tranquillement sur mes deux fesses », cependant que le personnage-héros-narrateur-candide-etc couche avec Alex. Ah Alex, héroïne romantique par excellence, qu’on ravira au narrateur contre quelques rançons culinaires mais ne s’interdira pas d’être la moitié modèle d’un Guillaume tourmenté – ou pas – d’aventures incroyables.

Mais Guillaume se rêve aussi écrivain, ou philosophe, et là encore se déploie toute l’intelligence fantasque de l’auteur, avec le projet d’une drôle de biographie de Diogène : « Diogène en visite chez sa mère laisse tomber la cruche de vin, Diogène sur la plage tente de vider la mer avec une amphore, Diogène par ci Diogène par là. » Et puis, pourquoi pas un ensemble d’écrits sur les penseurs antiques ! Et Parménide, et Démocrite. Et pourquoi pas un texte versifié, hommage à l’Artamène, cette indigeste prouesse des Scudéry, complètement oubliée mais dont pourtant l’histoire du roman romanesque demeure à quelques égards tributaires. Et ce récit parfois à clefs – celui de Marie – ne nous détrompera pas.

Conte, épopée, roman, un peu de tout cela à la fois, drôle, érotique, fantastique, aux tonalités pluriels donc, Les Watères du château est le nouveau texte de Guillaume Marie, aux éditions Bouclard, un condensé de fantaisie littéraire.