A l’occasion de la parution des deux poèmes objets des éditions Seghers, l’un consacré au poème d’Eluard, l’autre à celui de Maya Angelou, Zone Critique revient sur ces textes à voir et à afficher, dont le premier reprend un coup de maître original de Pierre Seghers ; sans oublier les illustrateurs à l’oeuvre, d’une part Fernand Léger, de l’autre Elisabeth Catlett.

« Liberté, j’écris ton nom », voilà donc un mantra qu’on n’aura pas manqué de susurrer, au cœur de la mythologie d’Eluard, celle des capitales de douleur, des terres bleues comme des oranges – moitié ou non – mais un mantra qu’il n’est anodin de rappeler, parce qu’il échappe à l’Eluard surréaliste pour nous rappeler l’Eluard politique. Alors il y a l’Eluard d’une esthétique historique – le tout dernier Poésie involontaire et poésie intentionnelle, et tous les autres, car Eluard n’aura cessé d’être multiple. Et ce n’est pas pour rien si Pierre Seghers aura décidé en 1953 de faire de ce poème un poème-objet, un texte à regarder, à afficher, dans une illustration de Fernand Léger, le beau cubiste-not-cubiste, celui d’Abel Gance, des Nus en forêt, des Constructeurs, évidemment. Ah l’époque aura été heureuse et féconde de ses amitiés et de leurs fruits multiples et éclatants, et c’est bien un de ces illustres que rééditent aujourd’hui les éditions Seghers : poésie à voir partout tout le temps, on le sait. « Sur les murs de mon ennui » donc trôner les couleurs interminables de Léger sur l’éternel poème d’Eluard, nommer encore et inlassablement le chant des poètes, un poème-objet singulièrement beau, reproduit à l’identique de sa forme originale. Un poème-objet qui annonce aussi un livre dont on reparlera ici bientôt, le roman de Xavier Donzelli, Et par le pouvoir d’un mot – vers du poète – qui fera la rentrée de janvier du même éditeur, fêtant par la même occasion l’entrée d’Eluard dans le domaine public, retraçant l’histoire d’une écriture et du poème, d’abord publié clandestinement dans Poésie et vérité en 1942 et enfin repris dans Au rendez-vous allemand, chez Minuit, en 1945.

Et simultanément à Eluard, c’est un autre poème-objet, en version bilingue, qui sort tout juste en librairie, encensée cette fois pour son engagement féministe. L’œuvre encore trop méconnue de Maya Angelou s’affichera désormais dans le Femme phénoménale, un hymne à la féminité affranchie, illustré par Elisabeth Catlett.

« Je dis,

C’est le feu dans mes yeux,

Et l’éclat de mes dents,

Le swing de mes hanches,

Et la joie dans mes pieds. »

Et c’est bien ce panel du corps et de la présence dont la danse – poésie du corps – se fait l’écho, en donnant la scène visible du mot claquant l’œil.