Dans la grande salle du Théâtre Libre, qui nous renvoie à quelque chose de Gatsby le Magnifique, est prolongée la pièce chorégraphique de Njagui Hagbe Dance N’ Speak Easy : un cocktail de danse de charleston, breakdance et de burlesque.

Un cartoon sur scène

le filtre cartoonesque des gestuelles, les effets sonores, les gags et le surjeu en font un spectacle très accessible notamment pour le jeune public comme en témoigne les éclats des rires des enfants

Les danseur.euse.s investissent le monde des années 1920/1930 avec des allures de mafieux.euses aux pattes-en-rond.  Nous plongeons dans l’atmosphère de la prohibition recréée par les costumes et la scénographie, tout en bouteilles, de Dominique Mabileau. L’histoire quant à elle, reste sous le signe de la légèreté et de la bien-pensance. Bien que la pièce fait figurer des thèmes plutôt graves comme l’alcoolisme, le désir, le harcèlement, la violence… le filtre cartoonesque des gestuelles, les effets sonores, les gags et le surjeu en font un spectacle très accessible notamment pour le jeune public comme en témoigne les éclats des rires des enfants.

L’intrigue, peu développée, est surtout prétexte pour un enchaînement de tableaux d’une grande virtuosité. Ainsi, il y a aussi quelque chose du dessin animé dans la mouvance spectaculaire presque inhumaine des danseur.euse.s. Des enjeux simples, comme se disputer une chaise, prennent des tournures presque circassiennes tant les corps plongent, volent et virevoltent dans tous les sens. Le talent des interprètes n’est plus à démontrer. La compagnie Wanted Posse formée en 1990, a été consacrée championne du monde au Battle Of The Year en Allemagne en 2001. Mentions spéciales au BBoy Martin Thaï et à ses nombreuses chorégraphies à la renverse, saltos en tout genre qu’il exécute à la perfection, jusqu’à faire des foot work (figures au sol) une bouteille de verre à la main. Jessie Perot est également très impressionnante par sa capacité à tout savoir faire avec une aisance déconcertante : du voguing, au contemporain, en passant par le swing et même du chant. Elle capte la lumière, même après avoir troqué sa robe à paillette de pin up pour une tenue plus simple, on ne parvient pas à la quitter des yeux.

(c) Yuri Sory Pixy

Une initiation ludique à la danse

Dance N’ Speak Easy est un nuancier de danse actuelles et anciennes, comme un vif coup d’œil sur différentes techniques qui nous font vibrer.

L’originalité de la chorégraphie tient de la rencontre de différents styles : house, charleston, swing, break, popping, vogue, contemporain… C’est un joyeux mélange où les transitions d’un genre à l’autre sont très fluides parfois même au sein d’une seule et même phrase chorégraphique.

Le charleston né en 1920 en Caroline du Sud aux Etats-Unis répond parfaitement au mouvement hip hop apparu dans les années 1970 dans les rues de New York.  Outre la grande physicalité de ces danses, elles se rejoignent également dans leur rapport à la musique. Le charleston comme le hip hop tissent une grande complicité avec la musique et bien souvent les effets et mouvements se basent sur l’exacte synchronisation du geste et du son. On freeze sur un silence ou une suspension en breakdance, on bounce en swing pour suivre le rythme. Pour ces deux styles, sentir le mouvement et le tempo est primordial. Ainsi, ces danses se rencontrent dans leur exigence du détail millimétré et dans leur grande envie de partage, de spectaculaire et de joie. Dance N’ Speak Easy est un nuancier de danse actuelles et anciennes, comme un vif coup d’œil sur différentes techniques qui nous font vibrer. 

(c) Yuri Sory Pixy

Un univers singulier

La pièce nous montre les danseur.euse.s comme des superhéro.ine.s invincibles

Cette rencontre joyeuse de disciplines crée une patte bien singulière et artistique qui prouve que le hip hop ne doit pas souffrir de préjugés. La compagnie Wanted Posse fait partie des premières à avoir travaillé son écriture chorégraphique dès 2003 avec Bad Moves et continue aujourd’hui encore de créer toujours en quête du wow effect.

Seulement parfois, trop d’effets peuvent tuer l’effet. Les prouesses acrobatiques sur l’inlassable beat des musiques électro peut finir par faire perdre de sa superbe à l’instant. La seconde partie plus dansée sur des musiques jazz impulse une énergie nouvelle. Avec la voix extraordinaire de Jessie Perot et l’esquisse d’une participation musicale et rythmique du public à la fin de la pièce, on a envie de voir une dimension peut être plus organique et acoustique du spectacle. La pièce nous montre les danseur.euse.s comme des superhéro.ine.s invincibles, il manque parfois le contraste avec une fragilité et une impudeur pour qu’on soit embarqué complètement. 

Dance and Speakeasy est un spectacle tout public, spectaculaire qui traverse les styles et les époques. Il réussit à créer un espace heureux de rencontres, de possibles et détourne les préjugés.

  • Dance N’ Speak Easy de Njagui Hagbe, compagnie Wanted Posse, au Théâtre Libre (Paris) jusqu’au 12 février 2023, à Provins (77) le 17 mars 2023, au Théâtre Millandy de Luçon (85) le 24 mars 2023, au Théâtre municipal de Fontainebleau (77) le 7 avril et au Théâtre de l’Orangerie de Roissy-En-France (95) le 14 avril.