Elle imagine du sérieux. Lui, il lui préfère une autre, plus lisse et plus belle. Dans l’ombre des sentiments contrariés, Sabine Audelin nous offre un texte qui sous ses allures de conte cruel permet de venger les autres filles délaissées. 

— Je veux tout d’elle, tu m’as dit. 

Au bar, la machine à café a sifflé fort, et j’ai eu moi-même quelques suées. J’ai trituré le creux entre mon pouce et mon index pour me donner une contenance, un répit. Maintenant, il fallait que je réplique un truc au moins à la hauteur. 

— Oui, moi aussi, je crois que je veux tout de Maria. 

Tu as ri : 

— Dis pas de conneries. 

On a vite bifurqué vers autre chose, probablement la météo. La neige dehors ne laisse personne indifférent. Je ne suis pas équipée, j’ai failli me casser la gueule et finalement j’aurais peut-être dû. J’avais pas envie de voir Maria dans sa bouche à lui. Il en parle mal. Si je pouvais m’éclater le crâne sur le bitume, là, je le ferais.

Félix dit toujours que Maria c’est moi en mieux. Je vous vois venir à me dire que c’est un sale con. Sa vie est circonscrite dans un espace géographique étroit, la triade Sèvres Babylones-Odéon-Jardin du Luxembourg. Ça ne l’aide pas le pauvre garçon.

Félix m’a appris à tenir un verre de vin et à donner l’illusion d’être bien élevée. C’est un homme avec des valeurs mais très peu de principes. On a fini par coucher ensemble. Il a été très attentif pendant la baise, à demander mille fois si c’était ok. De la mouille au coin des lèvres, il avait l’air bien pathét...