Gloire Mbemba évoque pour Zone Critique Fire Rush de la romancière britannique d’origine jamaïcaine Jacqueline Crooks. Un beau roman qui nous mène dans un quartier populaire de Londres dans les années 1970, pour nous parler de justice sociale et de liberté.

Fire rush roman Jacqueline Crooks
Alors que la rentrée littéraire bat son plein, Fire Rush, un roman aux couleurs vives publié aux Editions Denoël attire mon attention. Il nous plonge dans la grisaille londonienne au cœur de Norwood en 1978. 

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été cette fille qui lit. Je pense que ce qu’il y a de plus beaux dans la littérature, c’est la manière dont elle nous révèle  à nous-mêmes. Il y a des romans qui vous touchent, qui laissent une trace de leur passage dans votre vie, un mot, une phrase, un personnage que l’on n’oublie pas. Pour ma part, je n’oublierai jamais le personnage principal de Fire rush, Yamaye, une jeune femme d’origine jamaïcaine élevée par son père et passionnée de musique qui vit à Norwood. 

Un roman engagé 

Dans la première partie de ce roman, Jacqueline Crooks porte la voix des personnes racisées. Celle des immigrés qui vivent, tassés dans des banlieues, dans des usines, reclus comme des animaux. La romancière exprime la soif de justice sociale qui est au cœur de la vie de ses habitants. En effet, un drame terrible vient frapper Yamaye dont le petit ami Moose est tué par la police. 

Quand le racisme se mêle à la justice, on assiste à une justice bafouée. Pour la police londonienne, Moose était coupable. il n’a commis aucun crime si ce n’est d’être une personne noire. La mort de Moose fait éclater une colère populaire, enfouie depuis des années.De nombreuses manifestations commencent et dans les rues, la foule clame : “ Brûle, Babylone, Brûle. Écrase Babylone !”.

Fire Rush, c’est une histoire de sororité, c’est un hommage à la force, au courage et à la résilience.

Comme souvent, cette colère s’enracine dans un profond déséquilibre social entre les immigrés et la société anglaise des années 1970 qui peine à les intégrer. Car finalement, la violence déployée dans chaque révolution n’est que le fruit d’une violence originelle :  l’oppression d’un peuple par un autre.

Fire Rush : l’histoire d’un voyage

Fire Rush, c’est aussi l’histoire d’un voyage : celui de Yamaye qui quitte Londres pour retourner en Jamaïque. Le récit porte ainsi une réflexion sur la question de l’identité. Prise entre deux mondes, entre deux lieux, Yamaye peine à construire son identité. En effet, l’évanescence du personnage que l’autrice nous donne à lire sous-tend un travail profond de caractérisation qui suscite mon admiration.

Fire Rush, c’est la société patriarcale des années 1978. Ce sont les nombreux abus subis par les femmes, c’est le manque de liberté, c’est l’air étouffant d’un système opprimant.

Fire Rush, c’est une histoire de sororité, c’est un hommage à la force, au courage et à la résilience.

Lire Fire Rush c’est plonger dans un univers musical incroyable ainsi que la découverte d’un nouveau dialogue. De la Jamaïque à Londres, on trouve de nombreuses expressions liées à la culture jamaïcaine ainsi qu’à la culture musicale liée au dub.

L’écriture de ce premier roman s’est étalée sur seize années. Il a fallu seize années à Jacqueline Crooks pour trouver le courage, la force d’écrire ce roman. Au-delà d’une fiction, Fire Rush contient dans ses 400 pages l’histoire de l’écrivaine ; ses abus, sa quête d’elle-même, ses doutes, ses pleurs et surtout sa force.

J’ai bu chacun des mots de ce roman, j’ai pleuré la mort de Moose, j’ai fait le deuil de sa mort, j’ai crié “Brûle Babylone”, j’ai dansé dans la crypte, je me suis baladée dans les rues de la Jamaïque, j’ai couru vers la liberté avec Yamaye. S’il y a un sentiment qui est propre à tous les lecteurs, c’est cette nostalgie à la fin d’un roman, la tristesse d’avoir fini une histoire et de devoir retourner à la réalité.

  • Fire Rush, roman de Jacqueline Crooks paru aux Éditions DENOËL en août 2023.

Gloire Mbemba est une créatrice de contenu littéraire, passionnée de littérature et d’art contemporain africains. Elle souhaite faire découvrir la littérature noire mais surtout partager des livres qui ont changé son existence. 

Crédit photo : Jacqueline Crooks Author Photo (Credit Maxim Vinciguerra)