Claude Chabrol sait où il va. Son cinéma est bizarre, personnel, inattendu. Il peut vous faire Madame Bovary, l’Affaire Elf, Simenon, n’importe quoi. On l’imagine bien bouquiner des vieux romans des années 30 et se dire en s’endormant, « Tiens, ça me fait un film ça. » Du moment qu’il y a des gros sous et des secrets à saisir, il s’y connaît.
Du coup, on a l’impression que le sujet à traiter ne l’empêche pas de dormir. Il s’enfonce tranquillement dans ses drames, sûr de son rythme et de l’atmosphère qu’il installe. Pourtant il n’y a pas beaucoup de double sens à décrypter dans ses films, pas beaucoup de métaphores renvoyant à une réalité plus vaste ; tout y est. Pas question de profiter d’un fait divers flamboyant pour transformer un récit en fresque historique : Violette Nozière (1978) échappe presque entièrement aux lois de la reconstitution ; les années 30, l’Allemagne, les « temps qui courent » occupent trois lignes de dialogues ; le reste est un portrait psychologique, un drame de famille. On ne s’aventure pas beaucoup dans un décor d’avant-guerre, on reste plutôt au plus près des acteurs.D’ailleurs, Chabrol est moins intéressé par l’exactitude des faits que par le jeu de ses acteurs. Par le côté Isabelle Huppert de ses acteurs. Marie Trintignant dans Betty (1992) ou Ludivine Sagnier dans La Femme coupée en deux (2007), c’est toujours du Isabelle Huppert : des femmes tiraillées entre froideur et folie, intelligence perverse et perte de contrôle. L’Ivresse du pouvoir (2005) commence par un avertissement ironique : « Ce film ne prétend pas montrer une réalité connue. Toute ressemblance avec des personnalités existantes serait, comme on dit, fortuite. » En effet, la juge Charmant-Kilmann n’a pas grand chose à voir avec Eva Joly ; on comprend qu’il est question de Roland Dumas ou de Christine Devier-Joncour (« Vous l’avez habillée avec les deniers de la République, Monsieur HumeauClaude Chabrol : « Les temps peuvent courir… »
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Claude Chabrol : « Les temps peuvent courir… »
CinémaLa Rédaction
Zone Critique rend aujourd’hui hommage à Claude Chabrol et à son égérie, Stéphane Audran, disparue cette semaine, et que le réalisateur a immortalisé dans Les noces rouges, Le boucher, ou La femme infidèle. De l’élégance mystérieuse de Stéphane Audran aux tiraillements d’Isabelle Huppert, promenade en liberté dans la filmographie du maître, qui n’a jamais cessé d’explorer différents genres cinématographiques au cours de sa carrière, du film noir à la comédies de mœurs.