Marielle Hubert signe en janvier 2024 son deuxième roman aux éditions P.O.L. D’emblée ce récit part d’un paradoxe puisqu’il s’intitule Il ne faut rien dire : que va donc nous dire l’autrice ? De quoi est-il question ici ? Partant de cette interdiction, Il ne faut rien dire va à l’inverse de son programme littéraire, et s’efforce, précisément, à dire l’indicible. 

Dans une fiction autofictionnelle, qui mêle invention et écriture autobiographique, Marielle Hubert fait face aux fantômes de sa mère, qui sont aussi les siens. Le récit se construit alors avec pour ligne directrice de « faire mourir [s]a mère en paix. » 

« Je n’étais pas née quand les fantômes de Sylvette étaient jeunes et vivants. Je connais ce temps-là par les sempiternelles photos et par les récits qu’elle m’en a faits. Il y a un trou en moi : ce sont eux. Ce vide-là me mène souvent au bord de la mort, tout ce que j’arrive à vivre est ce que le trou n’a pas avalé. C’est peu. » 

Il s’agit de régler le compte des fantômes avant que sa mère ne parte pour aussi, peut-être, se réparer un peu. Pour arrêter de survivre et vivre à son tour, hors du « trou » où se terrent les fantômes. Si on peut douter de la qualité réparatrice de la littérature, il n’en reste pas moins qu’elle possède la capacité de dire, et donc de mettre au jour, d’extérioriser, précisément ce qu’il ne faut pas dire

Mère ou enfant ?

Il ne faut rien dire commence in medias res, le lecteur apprenant que Sylvette, la mère de l’autrice, est atteinte d’un cancer multi-métastasé. Toutefois, il ne s’agit en rien d’un hommage à sa mère ou d’une lettre d’amour, l’autrice étant très claire à ce propos : « Je ne ressens rien. Je ne suis pas triste, je dis “J’ai hâte qu’elle meure.” » Se noue d’emblée un rapport mère-fille compliqué, emmêlé – noeud qui se redouble et se complexifie à mesure que le récit se poursuit. Les postures de la mère et de l’enfant ne sont en effet pas très claires da...