Puisque l’été s’installe en Australie, le corps s’expose à la New South Wales Art Gallery du 05 novembre au 05 février 2017. Cette magnifique exposition de peinture et sculpture en provenance de la Tate Gallery (Londres) retrace plus de deux siècles de nudité inspirée.

Pierre Bonnard The bath 1925 Tate: Presented by Lord Ivor Spencer Churchill through the Contemporary Art Society 1930 © Estate of Pierre Bonnard. image © Tate, London 2016
Pierre Bonnard
The bath 1925
Tate: Presented by Lord Ivor Spencer Churchill through the Contemporary Art Society 1930
© Estate of Pierre Bonnard.
image © Tate, London 2016

La tradition victorienne du nu glorieux, d’une confiance ostentatoire, s’incarne dans l’exaltation des canons de la beauté corporelle, où l’anatomie devient objet d’étude et vecteur d’une moralisation du soi avec des tableaux bibliques (voir La Tentation de William Strong) et des allégorisations d’un corps qui ne cesse d’être mis en scène dans des contextes insolites (Cf. Le Chevalier errant de Sir John Everett Millais).

Renverser les conventions picturales

Le 20ème siècle associera le nu à la sphère privée : le spectateur se fait voyeur à son corps défendant comme dans Le bain de Pierre Bonnard, où l’artiste, grâce à un cadrage singulier, cherche à décentrer le sujet traditionnellement placé au cœur de la composition pour forcer l’entrée du spectateur dans son intimité. L’intensité psychologique se traduit par un regard, une gestualité, sinon une attitude, à l’image de La fille nue de Gwen John. Chez d’autres, comme chez Henri Matisse, le nu devient plus affaire d’atmosphère que de composition (voir Femme nue drapée). Ce que le nu moderne chercha à faire, c’était renverser les conventions picturales : il ne s’agissait plus tant de révéler ce qui est caché que de cacher ce qui est révélé.

Voulant faire du corps une abstraction, certains artistes s’évertuèrent à redéfinir son volume (Alberto Giacometti, Femme qui marche), sa structure (Pablo Picasso, Femme nue assise), son articulation (Henry Moore, La chute du guerrier) et sa motricité (David Bomberg, Le bain de boue). Progressivement, et sous l’impulsion du mouvement surréaliste, le corps s’érotise avec des peintres comme Giorgio de Chirico, Max Ernst, Ithell Colquhoun et Paul Delvaux, jusqu’au point où la peinture finira par se faire chair avec des artistes comme De Kooning.

Clou de l’exposition, une envolée romantique avec Le baiser d’Auguste Rodin, l’une des trois oeuvres sulfureuses du maître, qui représente un couple adultérin issu de l’imagination de l’Enfer de Dante

Clou de l’exposition, une envolée romantique avec Le baiser d’Auguste Rodin, l’une des trois oeuvres sulfureuses du maître, qui représente un couple adultérin issu de l’imagination de l’Enfer de Dante. Avec l’avènement de l’ère postmoderne et la vague féministe, le corps se politise et se retrouve mis à nu, sa vulnérabilité offerte aux badauds. Il sonne le glas de la finitude de l’homme, victime de cette déchéance qui annonce cette incontournable échéance. Manifestation du temps qui passe, le corps faillible voudrait ne jamais cesser d’être un objet d’admiration. Aussi, l’art cède-t-il à son caprice en s’acquittant de cette tâche ardue par la valorisation des perceptions multiples d’une réalité qui, pour mieux être acceptée, devra être fantasmée.

John Everett Millais The knight errant 1870 Tate: Presented by Sir Henry Tate 1894 image © Tate, London 2016
John Everett Millais
The knight errant 1870
Tate: Presented by Sir Henry Tate 1894
image © Tate, London 2016

Henri Matisse Draped nude 1936 Tate: Purchased 1959 © Succession H Matisse. image © Tate, London 2016
Henri Matisse
Draped nude 1936
Tate: Purchased 1959
© Succession H Matisse.
image © Tate, London 2016

Henry Moore Falling warrior 1956-57 Presented by the artist 1978 © Henry Moore Foundation image © Tate, London 2016
Henry Moore
Falling warrior 1956-57
Presented by the artist 1978
© Henry Moore Foundation
image © Tate, London 2016

William Strang The temptation 1899 Tate: Presented by the Friends of the Tate Gallery 1999 image© Tate, London 2016
William Strang
The temptation 1899
Tate: Presented by the Friends of the Tate Gallery 1999
image© Tate, London 2016