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Ella & Pitr sont deux artistes français qui produisent des œuvres d’un genre particulier. Insérées dans le tissu urbain, leurs peintures invitent à la rêverie et à la poésie. Leur travail est exposé à la galerie Le Feuvre à Paris, du 20 janvier au 17 février 2018.

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Le travail des trentenaires Ella & Pitr crée une œuvre poétique complexe, techniquement détaillée, ou au contraire composée de traits plus simples, plus bruts. Ils scénarisent souvent leur famille et leurs amis mais ils représentent aussi d’autres présences issues de leurs souvenirs, de leur imagination débordante ou bien encore de celle de leurs enfants.

Le plus souvent Ella & Pitr travaillent in situ. En 2015, ils ont accepté, pour le « NuArt Festival », de peindre la plus grande fresque du monde. Leurs personnages, les géants « Lilith and Olaf » sont apparus sur les toits d’usines à Klepp (Norvège), étendus sur 21 000 mètres carré. En grand ou petit format, l’œuvre demeure drôle et acerbe. Toutes les œuvres des artistes sont peintes à l’huile et leur thème est celui du lien qu’entretiennent au jour le jour les deux créateurs.

L’enchantement est là mais pour rappeler son aspect toujours provisoire. Le naturalisme est mis à l’écart même si apparemment le réel est bien représenté. Néanmoins son espace est dé-spatialisé afin d’accéder au statut d’expérience. Les lieux et les images acquièrent la troublante souveraineté ou l’efficacité d’un lieu de mémoire. L’histoire de l’œuvre est donc celle d’une accession au monde par l’intermédiaire de son décalage. En conséquence, la dimension poétique prend un sens critique.

Les stéphanois Ella & Pitr instruisent des défigurations bouffonnes, burlesques, loin de la mièvrerie des mouillements d’âme. Sur la plage des rosaires de l’enfance, les artistes font des retraites parfaitement athées, aussi désarticulées que labyrinthiques. Filles ou garçons convoités, phares baudelairiens ou de voiture, tout est bon dans ce qui tient d’un footing pictural et un pique-nique d’images qui se moque des fronts idéologiques ou écologiques. Ce qui ne veut pas dire que les massifs centraux en pincent pour un nocturne final.

Les compositions à quatre mains ne sont pas sans rappeler une esthétique où l’épure et la fragilité jouxtent force et rudesse

Entre complexité et naïveté se dévoilent alors des situations intimes dans lesquelles chacun peut se retrouver, entre tendresse ou exclusion, dans un mélange de réalisme et de magie. Ce dernier donne à leurs œuvres un caractère fascinant mais difficilement « identifiable ». Les compositions à quatre mains ne sont pas sans rappeler une esthétique où l’épure et la fragilité jouxtent force et rudesse. Le dynamisme joue toujours sur les équilibres et les déséquilibres, sur la trace énigmatique et la perte de repères afin qu’en germent d’autres.

Surgit le slash de mythes encore ignorés. Ils remontent des profondeurs de l’inconscient comme du quotidien. L’œuvre devient la mémoire de cet indicible visible par une technique, un métier. A chaque présence, le reflet de fantômes. Leurs traces fonctionnent contre comme avec la présence dont elles deviennent les digressions. Les corps tintent, les choses dansent.

  • Ella & Pitr, « Comme des fourmis », La Galerie Le Feuvre, du 20 janvier au 17 février 2018.
  • Ella & Pitr, Comme des fourmis, monographie aux Éditions Alternatives (Gallimard), octobre 2017, 248 pages, 35 euros.