Double peine pour les victimes qui sont condamnées soit au silence, soit à l’insuffisance du système judiciaire. Dans ce texte difficile mais juste, Diana Carneiro nous plonge dans les coulisses d’un procès. La narratrice espère voir son bourreau condamné… Mais rien ne se passera comme prévu.

Le verdict approchait inexorablement, Nora le savait. Assise à la même place depuis trois semaines, elle fixait obstinément un point imaginaire sur le sol, tentant de dissimuler le tremblement de ses mains. Le tribunal, avec ses hauts plafonds voûtés et ses murs froids de pierres, imposait une atmosphère de solennité austère et intimidante. Le bois massif des bancs, usé, émettait des grincements au moindre mouvement du public. 

Nora se sentait comme une étrangère dans ce monde clos, où chaque regard semblait chargé de suspicion, d’accusation déguisée, et où chaque parole était pesée et mesurée pour être inscrite dans les annales du tribunal – sa plainte, jetée dans l’océan de toutes les autres. Le micro légèrement désaxé devant elle avait capté chacune de ses réponses dans son intégralité, chacune de ses respirations transformant ses mots en matière à jugement. 

Autour d’elle, les murmures étouffés des journalistes, dissimulant leur impatience sous le froissement discret des pages de leurs carnets, s’étaient mêlés au cliquetis méthodique des greffiers. Ceux-ci, attentifs à la moindre nuance, avaient consigné avec obsession chaque mot prononcé, chaque détail du procès, chaque inflexion de voix, chaque mouvement imperceptible qui aurait pu trahir une émotion ou une pensée. 

Ils savaient que ce procès était exceptionnel, car Nora, en accusant Mathieu Girard de viol, avait provoqué une onde de choc qui se propageait bien au-delà des murs du lieu de justice. Le monde entier attendait la chute. 

À l’autre extrémité, Mathieu trônait sur le banc des prévenus. Son visage, figé dans une expression de calme presque insolent, contrastait avec l’agitation qui l’entourait et les faits dont il était accusé. Il semblait presque immunisé contre l’angoisse et la colère qui consumaient autant qu’elles paralysaient Nora. Pas question de remords ou de regrets, ici. À vrai dire, au début du procès, elle s’était attendue à ce qu’il reconnaisse les faits et porte avec lui la charge de ses propres actes, qu’il ne puisse plus la regarder à nouveau. C’était tout le contraire : ses yeux glaçants fixaient Nora de temps à autre, un regard qui la transperçait comme pour lui rappeler, une fois de plus, qu’il ne regrettait rien. 

Elle en é...