Tout est immobile et comme éclairci, repris à la brume mouvante et vierge. La lumière découvre la terre, la cour aux enfants, la cour aux bassines disposées pour le bain. On lave les petits, on remplit les bassines, on partage les corvées du samedi. Les femmes brossent le linge, initient les plus jeunes au secret. Leurs rires intimident les adolescentes, pas toutes vierges, n’ayant pour seule réponse que des yeux baissés, un sourire en coin, cet air de ne pas y toucher, de ne pas regarder les garçons – ceux qui jouent aux cartes, ceux qui poussent leur brouette pleine, ceux qui les bousculent parfois lorsqu’elles rentrent. Elles s’appliquent à la tâche.
La Petite n’est pas encore une femme. On ne l’appelle pas, on ne la bouscule pas. Elle grandit et sa mère dit :
— Bientôt, tu porteras un soutien-gorge
alors elle entend
— Bientôt, tu ne joueras plus dans la ruelle rouge.
et en devient bossue, n’aime plus les jeux et leurs courses folles.
Ce jour-là, elle tire au corner et lève le doigt en directeur du gardien pour mieux viser, la foule crie, agite ses bras au-dessus de la tête. Elle tire pour la deuxième fois. Une fille de l’équipe adverse a jeté du sable pour l’aveugler et elle a marqué contre son camp avant de lui foncer dessus
— J’vais te casser la tête
et les deux jeunes filles se sont affrontés nez à nez
— Tu me traites de tricheuse ?
— Non, je te traite de menteuse
— Traite-moi encore, tu vas voir
avant de se cracher dessus, de se gifler, de froisser leurs visages avec de la terre ramassée par terre dans les mains. Elles sont disputées jusqu’à déchirer leurs hauts...