Qui n’a jamais éprouvé du plaisir au milieu de la foule en colère ? Qui n’a jamais rêvé de tout casser ? Dans ce texte original, à l’écriture magnétique, Floriane Gitenay interroge l’ivresse qui nous prend dans les moments de révolte. Cette euphorie collective qui s’empare de la masse et réveille notre propre puissance. Non pas le désir du chaos, mais celui de l’insoumission.  

Je traversais la ville à la hâte pour rejoindre la foule après avoir séché le boulot, avec des airs de gamine coupable, enivrée par sa propre audace. J’avais dans le corps un appel d’air, un crochet qui me saisissait de l’intérieur et que je suivais ventre en premier. J’étais attirée par la foule que je sentais au loin. Par son bourdonnement, sa colère et sa joie mêlées. Je la retrouvais comme on retrouve une amante.

Il n’y aurait pas de fin, ou plutôt il y en aurait forcément une. Mais impossible pour moi d’envisager qu’elle se fasse à une heure normale, décente, raisonnable. J’avais besoin d’aller au bout, m’éterniser, je ne pouvais pas partir sans avoir assez crié, assez chanté, assez couru, assez eu peur. 

C’était plus fort que la passion. Et s’il avait fallu choisir, à ce moment précis, entre la passion et la révolte, je choisissais la révolte. 

J’étais attirée par la violence comme une fille qui ne la connaît pas et qui la rencontre, sa propre violence, comme un adolescent qui commence à se battre.

J’étais étonnée de trouver au fond de moi tant de rage, toute cette lave. Je la regardais enfler dans le précipice et je lui disais : ravie de te rencontrer. Je découvrais que ma voix était forte lorsqu’elle se mêlait à celle des autres. 

J’ai découvert ma colère. 

Cela avait été si théorique, des questions d’économie et de géopolitique qui me faisaient tourner la tête et me laissaient avec le vague sentiment, détresse et malaise, que le monde était trop complexe et que j’étais trop conne pour le comprendre. 

Ce qui m’avait semblé si théorique ne l’était pas, finalement. C’était du ressenti pur, primaire, joie peur colère. ...