Les filles se retournent toujours. Pour voir si on n’a rien laissées derrière. Une trace de sang. Sur sa jupe, son pantalon, sur son siège, sur les chiottes. Ne pas faire tâche. Se dire à l’oreille d’un air timoré « t’aurais pas une serviette ou un tampon, s’il te plait ». Nos mères nous apprennent très vite à avoir honte de notre corps et de ce qu’il peut en sortir. Mais c’est pas tellement de leur faute. Elles ont été des filles elles aussi. C’est peut-être pour ça que nos histoires pendant longtemps sont restées inécrites. Autrement, de notre sang nous aurions fait des peintures pariétales à en faire pâlir les hommes préhistoriques. Nous, filles, notre destinée c’est de devenir femme. Des menstruosités de la Nature. Des dichotomies originelles.
[ tu l’as dans la chair/ tiens la donc la chienne]
Continuellement en équilibre entre ces deux entités opposées, imposées. Moi j’ai choisi : j’aime bien l’idée d’être une chienne. Ma mère m’avait raconté qu’à ma naissance j’avais du sang qui sortait un peu de ma chatte. Paniquée, elle avait appelé la puéricultrice. La dame lui a dit qu’il n’y avait rien d’inquiétant, que parfois les filles ont leurs règles en sortant du ventre. Maman me disait que j’avais même du lait qui sortait de mes tétons quand on les pressait un peu avec les doigts. Peut-être que dans ma vie antérieure j’étais une chienne qui a fait une fausse couche.
Moi un jour, de ma chatte j’en ai vu sortir la vie. Je l’ai tenu dans la paume de ma main et puis j’ai tiré la chasse. Je peux dire qu’elle n’est pas plus grande que ma ligne de destin, la vie.
Et le surlendemain je suis allée travailler comme si de rien n’était alors que non. « A 30 ans les bébés normalement on les faits ». C’est ce que tout le monde me disait. Y’a même un gars qui m’a dit sans savoir : « c’est n’importe quoi les filles qui avortent. C’est un crime et en plus c’est pas bon pour la santé » Moi j’ai dit ...







