La littérature entretient avec le réel un rapport ambigu. Par temps de crise, sentant sous nos pieds le sol qui tremble, devant la lacération, la fragmentation, deux choix s’offrent à nous : continuer la petite entreprise littéraire, ou interroger, inquiéter le réel, le pulvériser. Cette semaine, nous avons invité autrices et auteurs à faire ce second choix.
Dehors, tandis que la ville revêt une apparente normalité, les magasins ferment et les gens s’entassent dans les parcs publics où enfants et poussettes se mêlent. Pourtant, la ville hurle en silence, rappelant son passé. Où est donc passé le temps des cerises, celui de la solidarité et du bien-vivre ensemble ? Un poème sensible signé Tiphaine Mora.
La rue aux magasins fermés
La gare aux services
Dématérialisés
Les caisses automatiques
Tout dans la ville hurle
Ne nous laissez pas
Ne nous laissez pas crever
On a des jolis squares pour faire pisser les chiens
On n’a pas de trottoirs
Pour que passent les poussettes
Tout dans la ville hurle
Ne nous laissez pas
Ne nous laissez pas crever
Entre un conteneur et un rond-point
Le lotissement respire à peine
Mais l’oeil des voisins vigilants veille
Tout dans la ville hurle
Ne nous laissez pas
Ne nous laissez pas crever
On a pour horizon la zone industrielle
Et la zone commerciale
Pour paradis artificiel
Tout dans la ville hurle
Ne nous laissez pas
Ne nous laissez pas crever
On a des bacs à fleurs
Mais on attend le temps des cerises
Le grand soleil
Tout dans la ville hurle
Ne nous laissez pas
Ne nous laissez pas crever.