Avec son deuxième roman, Les Derniers Américains, Brandon Taylor fait se croiser avec brio les destins aux ambitions parfois contrariées de plusieurs personnages en quête de sublime.
Tout débute dans un séminaire d’écriture dans lequel Seamus, jeune aspirant poète volontiers provocateur, fait face à ses collègues féminines. Très vite, le débat faire rage autour d’un texte, les paroles fusent de manière de plus en plus violente, plus personne ne s’écoute, chacun campant sur ses positions. À l’image de cette ouverture cacophonique, le deuxième roman de Brandon Taylor rassemble un groupe de personnages hétéroclites, qui se nomment notamment Seamus, Noah, Fatima, Goran ou encore Stafford, dont il orchestre les rencontres, les liens, les échanges, les brouilles. Chacun s’entrecroise, s’aime, se dispute. Jeunes et aux origines diverses, peintres, danseurs ou écrivains, tous se rassemblent néanmoins par leur volonté farouche de se consacrer au sublime, à l’art, à ce qui permet de ne pas sombrer dans un monde en déliquescence.
Entre campus novel et grand roman classique
Après Real Life, qui se déroulait au sein d’une université du Midwest, Brandon Taylor retrouve le genre du campus novel (roman de campus) dans une forme plus large qu’il exploite avant tout pour ce qu’il offre comme microcosme clos sur lui-même dans lequel évoluent ses différents personnages. Un environnement qui donne l’impression de « vivre dans une exposition ou une maison de poupées », comme le remarque Seamus, ou encore à l’image de ces dioramas que fabrique le personnage de Bea. Car Les Derniers Américains ne prend pas place dans une mégalopole cosmopolite telle que New York, mais à Iowa City, ville universitaire de l’État éponyme en plein milieu du Midwest. Un lieu de transition pour ces jeunes qui espèrent en partir pour tenter leur chance ailleurs et réussir. Tout comme il reprend les codes du campus novel, Brandon Taylor rend hommage aussi à l’ampleur des grands romans européens qui l’ont marqué, pour les réactualiser, les questionner ou même créer un décalage fictionnel en donnant par exemple le prénom russe de Fyodor à un personnage noir. Par la revendication de cette influence, citant autant Proust que Mauriac, l’écrivain américain fait le portrait de jeunes personnages en lutte autant avec eux-mêmes qu’avec la société et ses nombreux déterminismes, les obligeant à s’interroger sur leur notion de l’idéal. La narration suit alors leur vie, leurs désirs, leurs frustrations avec attention, non sans parfois une pointe d’ironie mais t...