RENTRÉE LITTÉRAIRE. Dans Ce que le féminisme m’a fait, Giulia Foïs explore le rôle transformateur du féminisme comme un artisan méticuleux de l’identité et de la société. L’essai propose donc une réflexion sur comment ce mouvement, en déconstruisant les normes établies, offre des outils pour la reconstruction personnelle et collective.
En effet, le féminisme, en tant que sculpteur, n’hésite pas à briser les formes préexistantes, à défaire les structures obsolètes pour libérer une nouvelle essence, plus authentique et résiliente. Foïs s’observe avec la même intensité avec laquelle elle observe le monde qui l’entoure, confronté lui aussi à la montée des féminismes. Entre engagement, paradoxes et bouleversements intérieurs, cet essai rayonne de sincérité pour se transformer finalement en un hymne puissant au féminisme contemporain, à ses défis et à ses triomphes.
Avant tout, Foïs décrit le féminisme comme une source de jouissance et de réalisation personnelle, une force qui l’a aidée à se reconstruire et à s’affirmer, puisque l’essai est constitué de fragments de son existence. De fait, elle part à la recherche des fondements de son féminisme en sillonnant tous les étages de sa vie pour y chercher les effets de ce mouvement, qui l’a construite autant qu’elle a contribué à le construire. Le féminisme, en cela, lui apprend à dire « oui ». Il lui apprend à « jouir », « comme jamais » de son « indépendance », de sa « liberté », de ses « choix », de son « sexe » à son « corps tout entier ».
Le féminisme donne du sens. Il permet de nommer les choses, de trouver des directions et de déconstruire la solitude grâce à la sensation d’être portée par les vagues successives qui ont forgé, par leur puissance, la liberté actuelle des femmes. Libérateur, le féminisme offre non seulement une prise de conscience, mais aussi un rapport à soi révolutionné. Foïs témoigne effectivement de son impact transformateur, qui lui a permis de se sentir complète et solidement ancrée dans ses convictions et son identité : son « moi » est devenu « plus dense », plus « juste », plus « complet ». Car apprendre à dire « non », en disant « nous », c’est aussi et surtout dire « moi ». Dire non, c’est prendre conscience de l’aspect pluriel et collectif de cette affirmation du sujet féminin, porté par d’autres pour être construit pour lui-même et en tant que tel.
Venger son genre
Foïs décrit la norme sociale comme un carcan oppressant, un cadre rigide qui étouffe les individualités et impose une conformité écrasante. Elle écrit : « Le monstrueux, c’est le grain de sable dans les rouages, celui qui fait bugger le système. Le monstrueux, c’est “l’anormal”. La norme cadre, serré, serré. Serré jusqu’à nous étouffer. La norme oblige, la norme corrige, la norme te fait rouler tout droit – en pilotage automatique, et yallah! l’autoroute cinq voies… Je préfère les chemins de traverse. »
Présent partout, visible nulle part, le patriarcat s’impose comme une norme sous-jacente qui structure silencieusement les facettes de la vie des femmes. Plus que silencieux, il devient normal, à tel point qu’il n’est plus questionné. Il corrige sans diplôme. Il oblige sans autorité justifiée. Il impose une rectitude qui n’est pas réellement droite et qui contraint l’esprit à une prison à la fois intérieure et extérieure ; car de ce système, souffrent les femmes mais aussi les hommes
La déviance par rapport à ces carcans devient alors une source de libération personnelle et de créativité. Les « chemins de traverse » représentent ces voies alternatives, souvent plus ardues que celles des trains à grande vitesse, mais essentielles pour se trouver soi-même. Le féminisme artisanal est celui qui parvient à construire ces voies qui dévient, mais qui, finalement, tracent un chemin plus aisé vers l’expression et la réalisation de soi.
Miroir social, société miroir
Ce système en place mène à l’incrédulité systémique face aux témoignages de violences faites aux femmes, car « neuf fois sur dix, une femme qui porte plainte pou...