Dans Cher corps, petit salopard, Zoé Vintimille livre un texte brut, presque arraché au chaos. Une année de vie condensée en fragments, marquée par la maladie, le désir, la perte, la maternité, les illusions sentimentales et les réalités du corps féminin. Le récit avance mois par mois, à la cadence du souffle, sans effet de style, comme dicté à voix basse un soir de tempête. À travers ce livre, l’autrice interroge son rapport à elle-même, à son corps abîmé, et cherche dans l’écriture, un point d’équilibre, peut-être un chemin vers la résilience.

Le corps, dans ce livre, est le lieu de tous les conflits. Il est le point de départ, l’obsession, la ligne de front. Il encaisse les ruptures, les abus, les diagnostics : celui d’un cancer du sein. Il est à la fois mémoire et cible. Un corps qui cherche à exister librement : dans le plaisir, le désir, la sensualité ; et qui se retrouve trahi, parfois par les autres, parfois par lui-même. C’est ce paradoxe que Zoé Vintimille capte : le corps qui fait mal, et qu’on continue pourtant d’aimer, ou en tout cas d’habiter. 

La sexualité y est traitée frontalement, sans détour : la narratrice s’assume dans une liberté pleine, à quarante-six ans, avec un appétit de sensations et de rencontres. Et puis tout s’arrête. Un cancer du sein vient casser l’élan, presque ironiquement : frapper précisément là où la féminité, le plaisir et la maternité se croisent.

« Je regarde la cicatrice rose de cinq centimètres sur mon sein gauche […] Juste dessous, le cœur. Ici, la plaie est invisible mais béante. Va-t-elle cicatriser aussi vite, elle ? Est-ce que mes cellules de désir, de confiance et d’abandon vont se régénérer pour me permettre, plus tard, d’avoir ne serait-ce qu’envie de revivre quelque chose d’intense avec quelqu’un ? Le tissu cicatriciel serait habituellement de qualité inférieure au tissu d’origine. Je pense en effet que le cœur va s’endurcir un peu. »

Le cancer impose une autre temporalité : plus rien ne s’écrit avec la légèreté d’avant. Le corps devient celui qu’on surveille, qu’on tente de comprendre ou simplement de ne pas haïr. On passe d’un rapport intime et charnel à une approche clinique : l’amour, en filigrane, se fait plus fragile et méfiant. 

Pendant que Zoé lutte contre la maladie, elle porte aussi la douleur de sa fille, violée, à qui il faut rendre justice, qu’il faut accompagner, tout en étant elle-même sur la corde raide. Ce double combat contre un corps qui trahit, et pour un autre qu’on doit aider à se réparer fait de cette année un moment de sidération autant que de lucidité.

Cher corps, petit salopard est un texte qui griffe, qui écorche. Un récit de corps en lutte, de solitude, d’envie, de chutes, de renaissances.”

Écrire et construire des histoires pour se reconstruire

Dans ce chaos, l’écriture apparaît comme un espace de repli. La narratrice, plongée dans l’univers du cinéma, peine à écrire autre chose que sa propre vie. Si au départ, l’imaginaire semble plus difficile à écrire que le réel, lorsque la maladie prend place dans son quotidien, cette imagination devient nécessaire : pour tenir « Ça fait un moment que j’ai envie d’écrire sur […] D’autres vies que la mienne […] Je ne parviens pas à franchir ce pas, ce pas invisible mais énorme de la fi...