Rien de nouveau sous le soleil de Cannes : ce véritable chamboule-tout aux allures de Parasite amuse, mais la récréation ne dure qu’un temps. Si pendant les cinquante premières minutes, Antony Cordier réussit haut la main la réalisation d’un scénario infusé de cynisme, on rit, on jubile puis la farce sociale s’essouffle dès l’instant où le film vire à la tragi-comédie.

Bercé du chant des cigales et du bleu méditerranéen, l’horizon est plutôt simple : deux familles miroir – aussi dysfonctionnelles l’une que l’autre – s’affrontent dans une guerre froide loin d’être manichéenne. D’un côté, Philippe et Laurence (Laurent Lafitte et Élodie Bouchez), couple de bourgeois superficiels, lui avocat imbuvable et elle actrice en déclin, en vacances avec leur fille Garance (Noée Abita), qui rêve de marcher dans les pas de sa mère sans en avoir le talent. De l’autre, Nadine et Tony (Laure Calamy et Ramzy Bedia), « le petit couple de gardiens » réduits à leur profession par leur patron, avec une condescendance à peine mâchée. Logés gracieusement dans le petit pavillon adjacent avec leur fille Marylou (Mahia Zrouki), les 80% de la loi de Pareto récoltent, après sept ans de loyaux services, 20% des fruits : les pommes les plus pourries. Autre ingrédient au milieu de ce joyeux bordel, il y a Mehdi (Sami Outalbali), petit-ami de Garance et jeune avocat talentueux issu d’un milieu modeste. Témoin trop innocent pour se faire une place dans ce monde impitoyable où la cupidité régit tout, il ne connaît pas les codes de la haute et ne se reconnaît plus dans ceux de la basse. Certes, il dit « bon appétit » et offre un couteau pour honorer les coutumes populistes et populaires, mais il refuse d’écraser les autres pour réussir et n’a pas les dents qui rayent le parquet. Double infiltré avec un doctorat en prolétariat et un pied dans la cage dorée, il incarne l’équilibre ténu qui subsiste entre les deux familles ; juste assez pour laisser s’infuser la satire et questionner les rapports de force.
“En reprenant la formule magique de Parasite, Antony Cordier ne réinvente pas la roue mais séduit”
Le bon, les brutes et les truands
Loin d’être un long fleuve tranquille, Classe moyenne est grinçant, presque caustique. En mêlant l’humour au vitriol, Antony Cordier brosse le portrait social d’une société trop fracturée pour être réconciliée et dénonce l’hypocrisie de la charité de façade que brandit souvent la bourgeoisie. Quand Philippe peut s’offrir le luxe de cuisiner avec les légumes de son petit potager bio entretenu par Tony, celui-ci ne peut s’offrir que les farcis de chez...