Le réalisateur Paul Thomas Anderson insiste sur le fait qu’Une bataille après l’autre n’est pas un film politique. À l’instar du roman Vineland de Thomas Pynchon, qui a inspiré ce projet, le film de Paul Thomas Anderson condense 2 h 40 d’action intense : chaos, armes à feu, ennemis inquiétants. Anderson affirme l’avoir conçu autour d’une relation père-fille et, lors de la présentation à la presse, lui et son équipe maintiennent que le film n’est ni de droite ni de gauche, mais qu’il traite de l’extrémisme en général.
On peut supposer que la stratégie médiatique visant à présenter le film comme apolitique ou intemporel sert à éluder la question des convictions politiques des acteurs, en particulier celles de la vedette Leonardo DiCaprio. Ce dernier a été à plusieurs reprises sous les feux de la critique pour sa vie privée, notamment pour sa tendance à fréquenter des femmes de moins de 25 ans, ou encore pour ses contradictions d’écologiste participant au mariage fastueux de Jeff Bezos. Plus récemment, tandis que des figures hollywoodiennes boycottaient les institutions cinématographiques israéliennes, il a essuyé une levée de boucliers pour avoir cofinancé un projet d’hôtel de luxe en Israël.

Le film est « ni de droite ni de gauche, bien au contraire », mais avec une boussole bien précise : les fantasmes raciaux, parce que la négrophobie est une constante de l’histoire de la modernité, et des États-Unis. Lorsque Perfidia (Teyana Taylor) embrasse Pat (Leonardo DiCaprio) en lançant « Il aime les filles noires », le film illustre parfaitement comment « le corps noir est un indicateur crucial pour évaluer le degré d’humanité et mesurer le progrès humain ». Et puisque le film met en scène violence politique, résistance armée et intrigues sexuelles, l’imaginaire de la politique noire apparaît comme un choix évident. Avec leurs amis, Pat et Perfidia, membres du groupe révolutionnaire de gauche French 75, libèrent des migrants détenus au cours d’actions armées. Dans la scène d’ouverture, Perfidia humilie sexuellement le commandant des forces armées américaines, Steven Lockjaw (Sean Penn). Poussés par l’adrénaline, Pat et Perfidia deviennent amants, et leur relation sexuelle est menée par le désir insatiable de Perfidia. Elle est la Jézabel, synonyme de promiscuité, tentatrice démoniaque capable d’ébranler l’innocence blanche.
Pas de viol, seulement une grande distance
Le trope de la Jézabel ferme toute possibilité à Perfidia d’être innocente ou victime de violences sexuelles. Dès le début, le film traite le viol comme une non-question, drapée dans une comédie absurde. Dans une interview au L.A. Times, Paul Anderson décrit la scène dans laquelle Perfidia confronte Lockjaw pour la première fois :
« Sans crier gare, nous nous retrouvons dans un monde de fantasmes. Et vous vous dites : “Attendez. Nous sommes aussi dans le monde des fantasmes ?” Et c’est comme si on vous répondait : “Oui, nous allons entrer dans le monde des fantasmes.” Vous devez faire savoir au public, si possible dès le premier acte, quels seront les paramètres du terrain de jeu. »
Plus tard dans le film, Perfidia rencontre Lockjaw dans un motel, et peu après, elle est enceinte et donne naissance à Charlene/Willy, qu’elle abandonne pour poursuivre ses activités. Un spectateur attentif peut se douter qu...











