Dans ce court roman à plusieurs voix, Mathieu Tulissi Gabard raconte son expérience dans un centre de formation de football. Un témoignage brut, intéressant à ce titre, mais sans que le texte aille au-delà du simple témoignage sur un phénomène déjà tristement connu : l’industrialisation du football.

En France et, plus globalement, en Europe de l’Ouest, le footballeur est sûrement l’archétype du sportif du XXIe  siècle. L’athlète, le nageur et le gymnaste sentent encore l’esprit olympique : le sport pour la beauté du geste, avec parfois des médaillés d’or qui vivent chichement et dans un quasi-anonymat. Les sports collectifs américains sont probablement allés encore plus loin dans la rationalisation technique de ce qui n’était qu’un loisir mais qui, désormais, draine des sommes folles ; mais, en Europe, c’est sans nul doute le football qui a le plus connu cette mutation du jeu vers le business.

L’antichambre du football industrialisé

Le mérite de Footboys est de nous plonger dans la formation des soldats, ou plutôt des innombrables gladiateurs qui, chaque semaine et en quantités innombrables, sont lancés sur les stades et devant les écrans du monde entier pour capter de l’attention, et la revendre au plus offrant — c’est-à-dire aux sponsors et aux publicitaires.

Tout ce que décrit le livre découle de cette simple situation initiale : des adolescents (la formation commence à quinze, voire à treize ans) s’engouffrent dans un système industrialisé et hypercompétitif. Il s’agit d’un système destiné à produire des objets répondant à une demande, système qui peut se permettre de très nombreux rebuts, au vu du nombre des candidats. Tout contribue à rendre les Footboys dociles: l’immaturité des adolescents, et donc leur incapacité à dire non, ainsi que l’ignorance des parents à l’égard de ce milieu. Aussi, les familles peinent à empêcher leur fils de poursuivre le rêve d’enfance : devenir footballeur professionnel. Mathieu Tulissi Gabard raconte les humiliations par les entraîneurs, l’absence totale de considération, l’utilisation cynique d’êtres humains à des fins économiques. Ce qui est parfaitement logique : dans une usine, un objet n’est considéré que dans la mesure où il correspond à son but.

À ce broyage industriel des êtres s’ajoute le tumulte de l’adolescence. Habitués à être bien trop contenus pour leur âge dans la discip...