Reconnue pour son roman Encabanée, publié au Québec en 2018 et premier tome d’une trilogie dédiée à la nature, Gabrielle Filteau-Chiba s’attelle, dans son dernier roman , à un nouveau genre, celui de la science-fiction. 

Dans un futur relativement proche et postérieur à la sixième extinction, la Cité de Sainte-Foy, au Québec, vit calfeutrée entre de grands murs qui la séparent du monde extérieur, sauvage et considéré comme dangereux, invivable. La cité est gouvernée de manière autoritaire, bien que le régime politique ne soit jamais directement évoqué : les faits et gestes des habitants sont contrôlés grâce à une puce sous-cutanée, des drones sillonnent l’espace, de jour comme de nuit et les corps, en particulier féminins, sont étroitement surveillés par un « Ministère de la Production et de la Reproduction ». 

Au sein de ce futur dystopique, une enclave utopique demeure, celle d’un camp du Minis’terre dont les habitants ont pour mission de reboiser les monts Uapishka (« les sommets toujours blancs »), dans le nord du pays, dévastés par les feux. Cette petite communauté de femmes travaille d’arrache-pied pour semer, planter, arroser, et prennent toujours plus de distance par rapport aux consignes officielles de la mission, notamment l’utilisation d’OGM. Parmi elles, Sandrine quitte chaque année la Cité de Sainte-Foy, son compagnon Gabriel et sa fille Thalie durant huit mois afin de poursuivre sa mission de reboisement. Malgré la distance, le couple perdure et Sandrine trouve un nouvel équilibre. 

Permis de vie sauvage

Gabriel et Sandrine parviennent à obtenir pour leur fille la permission de suivre sa mère dans la communauté pour un stage de quelques mois. C’est la première fois que Thalie passe les check-points et découvre cette deuxième vie qui enthousiasme tant sa mère. Elle y observe une nature dont elle ignorait tout et, les sens en éveil, s’émerveille devant les arbres, les lacs et les fleurs. Elle apprend une nouvelle manière de vivre, de faire communauté, se détachant peu à peu des dogmes de la cité confinée. Dans une langue simple et poétique aux inflexions québécoises, Gabrielle Filteau-Chiba décrit l’éveil sensoriel et charnel de Thalie au cœur d’une nature à la fois dangereuse, peuplée d’espèces avec lesquelles il faut apprendre à cohabiter, et fascinante de beauté. 

Hexa offre une belle réflexion sur notre rapport au sauvage et au vivant.”

Au fil des trois grandes parties du roman (« Les pionnières », « Les nourrices », « Les semeurs »), Gabrielle Filteau-Chiba se concentre sur trois générations de personnages féminins, qui font vivre l’espoir d’un renouveau possible chacun à leur manière, que ce soit grâce à leur lien mystique avec la nature, à leur opposition frontale au régime autoritaire, ou à leur capacité d’émerveillement.

Comme pour Encabanée, inspiré de son expérience d’isolement dans une cabane du Grand Nord et d’apprentissage de la survie, l’autrice s’appuie sur son histoire personnelle. Lorsqu’elle a su qu’un groupement forestier était à la recherche de planteurs d’arbres, elle s’est portée volontaire. Pendant des semaines, elle a ainsi planté en rangées des épinettes génétiquement modifiées. Pourtant, ces résineux sont particulièrement sujets aux incendies qui ravagent le pays depuis plusieurs années. Face à ce constat d’inadéquation des solutions de reboisement, Gabrielle Filteau-Chiba souhaite « raconter un nouveau modèle de ...