RENTRÉE LITTÉRAIRE. Iris et Octave, ou les mésaventures de deux jeunes amants qui se croyaient cosmiques est le premier roman d’Alice Hendschel : et le moins que l’on puisse dire, c’est que sa rentrée littéraire place la barre très haute. Une maîtrise impeccable du métissage des registres, une sensibilité désarmante, un sens inné de la narration, un goût prononcé pour les descriptions tendres et poétiques ; c’est sur le sol de ce très beau travail stylistique que l’auteure nous entraîne dans les méandres de l’amour, de ses soleils et de ses orages.
Iris et Octave sont deux étudiants férus d’art et de littérature, dont la relation amoureuse prend fin de façon aussi abrupte qu’elle renaît – avec la promesse, lors de ce second saut dans la passion, de faire durer le feu au-delà de toute mesure. C’est petit à petit que l’histoire aussi tortueuse que délicieusement banale des deux amants nous est livrée, tandis qu’ils décident de déjouer le sort de leur rupture en s’isolant dans la vieille maison de la grand-mère décédée d’Iris, perdue dans la Meuse. Là, c’est un univers rural, boisé, fleuri et pluvieux qui se déploie, terrain propice à tous les déchirements et toutes les effusions romantiques : en bref, une fresque de l’amour absolu à la sauce de l’époque contemporaine. Avec beaucoup de sensibilité et d’élégance, Alice Hendschel signe une œuvre riche, dense, qui fait sourire, rire, penser, et peut-être, aussi, pleurer de tendresse.
L’amour comme un kaléidoscope
Iris et Octave donne un très subtil nuancier des différentes et nombreuses teintes que peut prendre l’amour lorsque l’on traverse la vie avec le cœur à vif. Les deux protagonistes, en effet, font montre de deux personnalités contrastées, qui se rejoignent cependant à l’endroit de la sensibilité : en effet, les deux jeunes amants sont des écorchés, à fleur de peau. Bien qu’Iris semble toujours avoir l’ascendant sur la relation, et bien qu’elle semble rayonner plus fort et manifester une certaine robustesse, elle n’en demeure pas moins tortueuse et fragile à l’endroit de ses émotions. Octave a l’apparence d’un garçon effacé, hanté par l’ombre menaçante des succès de son frère ; pourtant, une certaine pugnacité se profile derrière cette vulnérabilité de façade : une hargne, une violence intestine qui brûle avec une étonnante et déroutante intensité. Le chassé-croisé de ces deux personnalités constitue le terreau du roman, qui tournoie autour de la rencontre – cosmique, pour le meilleur et pour le pire – de ces deux existences, chacune déchirée à leur manière, de ces deux âmes errantes compliquées que l’on aime et déteste tour à tour. Et pour cause : nos héros ne sont pas parfaits : leurs comportements, guidés par leurs tempéraments respectifs, attendrissent le lecteur autant qu’ils l’agacent. Il y a la jalousie maladive d’Octave et son complexe d’infériorité, il y a le solipsisme dans lequel Iris est murée, malgré l’amour qu’elle porte à son compagnon. Alice Henschel fait de ses personnages des jeunes gens terriblement banals et réalistes, malgré la tentation pour l’absolu et ses abîmes qui les dévore et nous attendrit. Personne ne peut nier qu’un tel idéal n’a jamais traversé son esprit. Lorsque les rets du premier vrai amour nous attrapent, le ciel étoilé au-dessus de nous nous entraîne fatalement sur la pente du pour-toujours, et nous plonge dans un lieu brûlant et abyssal : l’amour fou fait soudain de nous le centre de la Terre. Centre de tout, autour duquel les astres mènent leur éternelle révolution :
“ “Alors tu es devenue moi ?”
“ Et tu es devenu moi”
“Mais tu m’as fait du mal”
“Et tu m’en as fait aussi, mais c’est précisément dans ces espaces silencieux où tu as ouvert d’immenses blessures que je trouve des lits infinis pour toujours t’aimer”
“Un jour quelqu’un écrira un livre et il parlera de notre histoire”
“Je t’aime”
“Je t’aime” ” (p. 54)
Or, la collision avec d’autres planètes arrive toujours trop vite : et fréquemment, c’est celle du quotidien qui bouscule notre écosystème cosmique. Octave et Iris peuvent bien s’aimer jusqu’au bout du monde, et se jurer qu’ils le parcourraient mille fois pour se retrouver, ils ne sont pas capables de marcher jusqu’au supermarché pour s’offrir des clémentines, de se promener sans tergiverser sur le bon chemin à prendre, sans bouder à la moindre contrariété. Le roman n’est pas seulement une complainte tra...