En île de Karine Parquet est un roman méditatif où l’espace insulaire, a priori délimité et clos, se fait théâtre d’une introspection sans issue. Parquet nous embarque dans les vies croisées de ses deux personnages, Ida, contremaîtresse dans une conserverie et Erik, un jeune enfermé dans une colonie pénitentiaire, tous deux pris dans les filets de routines aliénantes, de gestes compulsivement répétés et de désirs d’évasion qui se butent aux frontières de l’île.

En île, Karine Parquet

Le roman nous entraîne effectivement sur une île à la fois rugueuse et envoûtante, lieu d’un huis clos qui enserre les destins croisés d’Ida et d’Erik. Ida, contremaîtresse dans une conserverie, est une femme marquée par le poids des responsabilités, les silences conjugaux et l’usure d’une routine immuable. jean, son mari, marin au long cours, incarne la tension d’un couple tiraillé entre absence et reproches. En parallèle, nous découvrons, de l’autre côité de l’île, Erik, jeune détenu dans une colonie pénitentiaire, subit la brutalité des gardiens et la mécanique infernale des punitions. Alors qu’Ida s’épuise à chercher sa place dans une communauté qui la maintient à distance, Erik, lui, résiste en silence, tournant en rond dans une quête désespérée de sens. Tous deux fixent la mer, tantôt comme une promesse, tantôt comme une menace, mais toujours comme un horizon hors d’atteinte. De leurs luttes émerge une sorte de fresque de vies suspendues, où les gestes se font un désir d’évasion, tu par la fatalité.

L’île devient un lieu de résonance intense, un miroir tendu à l’âme humaine enfermée malgré elle dans un espace qui la maîtrise.

Derrières ces décors individuels, l’île devient un lieu de résonance intense, un miroir tendu à l’âme humaine enfermée malgré elle dans un espace qui la maîtrise. Ce roman s’attarde alors sur des thèmes aussi denses que les vagues imperturbables qui battent ses rivages : l’isolement, la fatalité, la mécanique implacable d’un quotidien vidé de sens. Parquet excelle dans l’art de faire de l’île une entité à part entière, où les âmes des personnages s’éprouvent et se décantent, dans un huis clos pesant et incisif. Les personnages d’Ida et d’Erik, broyés par les attentes et les contraintes, deviennent les vecteurs d’une exploration de l’exil intérieur, d’une confrontation âpre avec un univers caillouteux et indifférent, où les élans d’espoir s’épuisent comme l’écume sur les rochers.

L’île dans ce récit est une entité vivante, presque tentaculaire. Plus qu’un cadre, elle devient une structure de réverbération où les affects, les non-dits et les désirs se distillent et se retournent contre ceux qui osent s’y confronter. « Les dernières sardines ont quitté l’huile. Ida sonne la fin de la journée. Il est minuit passé mais elle n’a pas sommeil. » La routine s’impose alors et, avec elle, cette impression d’une vie répétitive, d’un cercle sans échappatoire. La structure de l’île elle-même, avec ses contours et ses limites naturelles, impose à chaque personnage un périmètre fixe, une existence cadrée où les aspirations se heurtent aux murs invisibles du quotidien. Une question nous taraude alors : devraient-ils fuir pour se (re)trouver ?

La mer et le mirage de la liberté

Si l’île est une contrainte, la mer, elle, semble effectivement représenter un rêve : l’espoir d’une liberté lointaine, inatteignable. Loin de servir d’horizon lumineux, elle devient une image paradoxale, celle d’un leurre projectif qui tourmente plus qu’il ne libère. Parquet montre à travers ses descriptions maritimes un contraste frappant : « Sur le chemin menant au port, ses narine...