L’éclipse de Sarah Bussy est un roman clair, souvent lumineux, qui problématise la question de l’abandon et resémantise l’expression « refaire sa vie », en interroge la possibilité. 

Camille a 34 ans, elle est cheffe dans un grand restaurant. Elle a une fille d’un an, Rose, et un compagnon, Thomas. Lors d’une balade en forêt, elle décide sans hésiter de disparaître, de tout abandonner : elle se cache et fuit vers le Nord, vers un endroit mi-fictif, mi-réel, rêvé par Sarah Bussy à partir de lieux existants en Islande. Là-bas, Camille refait sa vie, justement, une autre vie qu’elle ne pourra que quitter, elle aussi, abandonner définitivement, une fois qu’elle sera aboutie. 

C’est à partir de ce geste monstrueux, insensé, que se construit tout le roman. 

Un minimalisme désiré plutôt qu’atteint

Dans ce désert froid, la vie de Camille, au départ solitaire, se remplit petit à petit : le minimalisme de la neige, de ce paysage terne, rayé et béant comme l’illustration de couverture de Marine Schneider, laisse place à la succession des événements, à une vie sociale qui reprend ses droits malgré l’immobilisme du grand Nord, l’alternance des saisons, un rythme et un rapport au temps pressentis comme radicalement différents de ce qu’elle a quitté  – ils ne le sont pas tant que ça, on s’en aperçoit par la suite. Il me semble que Camille part pour échapper à la linéarité de cette vie pendulaire, familiale et professionnelle, mais son histoire, et le roman, n’échappent pas à cette linéarité : il se passe beaucoup de choses dans l’Eclipse, plus que ce que le début m’avait laissé présager, et c’est un roman assez classique dans sa trame narrative. 

Classique, et bien mené, le roman égrène, çà et là, des indices pour nous aider à comprendre les motivations de Camille – elle était empêtrée dans une vie dont elle ne voulait pas, qui est venue vers elle et qu’elle n’a pas choisie. 

Une certaine transparence psychologique&...