C’est une exposition étrange qui s’ouvre à Pézenas, entièrement consacrée à l’artiste peintre Louise Janet. Onze merveilleux tableaux, petits et grands formats, ornent les murs du très bel Hôtel de Flottes de Sébasan (PDP Gallery). En m’y aventurant, j’ai la sensation de pénétrer une sorte de peep-show de l’existence. Exploration !

C’est une exposition étrange qui s’ouvre à Pézenas. 

Elle est entièrement consacrée à l’artiste peintre Louise Janet. 

Onze de ses tableaux, petits et grands formats, recouvrent les murs du très bel Hôtel de Flottes de Sébasan (PDP Gallery). En m’y aventurant, j’ai la sensation de pénétrer une sorte de peep-show de l’existence. Rien de sexuel, à première vue, mais un enchaînement de petites scènes, goûter entre amis, trajet en voiture, visionnage d’un film sur l’ordi, fond d’écran de portable, stade olympique dont les lumières déchirent la nuit, etc.

Je marque une pause. 

Les peintures de Louise Janet produisent une immédiate et inquiétante sensation de familiarité. C’est notre vie que l’on découvre suspendue au mur. Ou plutôt, non pas notre vie, mais des sensations tangentielles de vie. De cette vie d’appartement hlm ou de pavillon de banlieue, vie de la majorité tranquille qui semble n’avoir rien de bien grand à raconter, cette vie qui s’écoule sous coutures et que l’on exhibe rarement, la considérant triviale, ou profane. Dépourvue d’intérêt. 

“Janet est une fétichiste du vrai, dont l’effacement relatif permet le surgissement de la vérité.”

Parcourant encore les toiles, j’éprouve une réjouissante sensation de voyeur. 

Les sujets humains, ici, à l’exception de « Stéphanie » (2024), sont toujours pris de biais. Comme en flagrant délit. Un peu comme les créatures étranges d’une planète inconnue. C’est que l’œil de la peintre, et, par répercussion, celui du spectateur, se positionne en retrait, un peu caché. En guet comme Actéon. Dans ce travail, la double nature de la voyeuse s’expose. Janet est une fétichiste du vrai, dont l’effacement relatif permet le surgissement de la vérité. L’érotisme du banal. Son activité consiste aussi à capturer le passage du temps, à lutter contre la disparition d’instants vécus, trop fugaces, trop fragiles, que la mémoire générale oublie. Elle leur rend grâce, pour ainsi dire, les entrepose, dans ses petits formats dotés d’un joli cadre en bois, parfait écrin intime pour ces choses pourvues d’intérêt. Son voyeurisme est enfin un pouvoir. En retrait, la peintre se place hors d’atteinte, et offre à sa vue une divine omniscience, potentiellement menaçante, comme dans « Le chant des Baleines » (2024). 

“Le chant des baleines”, Louise Janet, 22’12cm, huile sur toile, 2024. 

Le rôle du peintre est de déplacer notre œil. 

C’est un dictateur scopique qui nous apprend à mieux regarder. 

Certaines peintures nous offrent une vision de la voyeuse par elle-même.  

Paire de pieds, bout de tête, reflet dans un miroir, découpage impropre et toujours limité du subjectif, desquels transparaît toujours une douce mélancolie. 

Par art de l’indiscrétion, la banalité se transforme au sein de scénettes qui débordent de détails (ustensiles, objets ménagers, tatouages…). Mieux, arrachée au néant de l’oubli, porte de l’intime, elle devient le révélateur – au sens photographique – de toute une panoplie d’existence, d’une certaine manière d’être au monde, celles de solitudes en collectivité. Un bon exemple, c’est cette œuvre fascinante « Des choses qu’on essaie de se dire » (2025). 

“Des choses qu’on essaie de se dire”, Louise Janet, 97’146 cm, huile sur toile, 2025.

Vus depuis l’extérieur d’une fenêtre d’immeuble, enserrés par des murs épais, eux-mêmes recouverts par une nuit d’hiver (j’imagine), deux adolescents, peints de face, sont assis à une table. Devant eux, de dos, deux autres individus. Il faut s’approcher un peu. Observer la manière dont la traverse de la fenêtre quadrille l’espace, et installe, comme dans un jeu de dames, chaque sujet humain d...