Le gars qui allait quelque part est le premier roman de Michel Bezbakh. Journaliste pour Télérama, il souhaite ici s’affranchir de l’écriture journalistique en livrant un texte qui incite à repenser l’oralité. Pour Bezbakh, notre façon de parler est constitutif de la manière dont nous percevons les autres. C’est cette thèse qu’il essaye d’illustrer à travers le personnage principal de son roman : un père de famille à la fois détestable et désespérant dont on suit le flux de conscience tout au long d’un périple en voiture, à la destination inconnue.
Commençons par le commencement : le personnage principal de ce récit est absolument détestable. Un homme d’une quarantaine d’années qui n’hésite pas à dénigrer son fils tout au long de sa vie. Les causes ? Son fils préfère Cendrillon à Mowgli, craint les lions, ou préfère davantage les hommes aux femmes. Ce fils est constamment humilié par son père. Son nom ne sera par ailleurs cité qu’à la fin du roman : « le gamin redevenait ce qu’il était, un sale gosse qui me faisait chier ».
Retrouve-t-on ici la dimension patriarcale de notre société ? Dans ce récit, le père cherche en effet à modeler l’avenir de son fils. Face à son échec, la violence prend finalement le dessus. Le langage est cru, violent, assommant : « […] je sentais en moi le monstre qui grandissait, il s’allongeait le monstre, il prenait toute la place dans mon corps, j’étais entièrement remplacé par ce monstre jusqu’au bout des doigts, moi j’étais plus là, le gars qui s’était contenu toutes ces années il avait disparu, le gars qui avait d’abord fait quelques petits efforts, qui avait vu que ça servait à rien mais qui l’avait fermée pour le bien de sa famille, pour le bien de Clara, ce mec-là il était à terre, renversé par l’autre, celui qui voulait aplatir le gamin, creuser un trou et le foutre dedans, faire disparaître ce petit enculé qui osait me mépriser, car ce gros pédé il me méprisait de plus en plus ».
A contre-courant
Le gars qui allait quelque part est finalement l’histoire intime d’un père et de son fils. Alors qu’on s’attend à découvrir le point de vue d’un fils humilié, nous avons ici accès à celui du père tortionnaire. On se retrouve donc à contre-courant du récit classique, puisqu’on s’imprègne de la vision du « méchant » de l’histoire. Comme l’a évoqué Michel Bezbakh dans un entretien : « La littérature permet de mettre en relations diverses subjectivités afin de permettre une ...