Après Ondine, Transit et Le Ciel rouge, Christian Petzold met de nouveau en scène sa dernière muse, Paula Beer, dans un film au rythme lent et délié. Entre réalisme discret et nature hantée, Miroirs No. 3 explore les non-dits et les failles créés par le deuil, mais finit par être trop bavard pour durablement troubler. 

Des personnages amnésiques, perdus, toujours en léger décalage ; une esthétique épurée, où la caméra observe à distance les remous émotionnels. Dans ses films, Christian Petzold, représentant-star du cinéma allemand contemporain aux côtés de l’hermétique Angela Schanelec (Music, J’étais à la maison, mais…), ne cesse de capturer la substance des relations, des lieux et des objets pour en révéler l’étrangeté. 

“Hélas, le long-métrage finit par s’expliquer et le brouillard se dissipe.”

On ne s’étonnera donc pas de la conduite du personnage de Laura, incarné par Paula Beer (Frantz, L’Œuvre sans auteur). Juste après l’accident de voiture qui a coûté la vie à son petit ami, elle décide de passer sa convalescence dans la maison d’une inconnue rencontrée au bord de la route, et avec laquelle elle a échangé un regard éloquent avant le moment fatidique. Son séjour, initialement prévu pour quelques heures, se prolonge finalement sur plusieurs jours, puis semaines. Après tout, pourquoi partir ? Tout semble prévu pour l’accueillir : une chambre vide, des habits parfaitement à sa taille, des tâches de jardinage à faire. Miroirs No. 3 joue sur l’ambiguïté entre Laura et sa sauveuse, Betty, une cinquantenaire neurasthénique avec des yeux embués d’amour, qui la regarde comme si elle regardait quelqu’un d’autre.

Le début du film et la connexion entre les deux femmes laissent présager un long-métrage brumeux traitant du traumatisme, du deuil et de la reconstruction. Pendant un temps, le silence de la maison et l’étrange aisance avec laquelle Laura s’insère dans la vie quotidienne de Betty créent une atmosphère flottante, chargée de non-dits. On s’observe, on se sourit, on sait sans savoir. Dans ces plans clairs, nets et sobres, quelque chose se joue, une sorte d’engrenage qui recommence à vaciller, une remise en route, à l’image d’un lave-vaisselle qu’on répare ou d’un piano qu’on réaccorde. Hélas, le long-métrage finit par s’expliquer et le brouillard se dissipe.