RENTRÉE LITTÉRAIRE. Avec Mémoires sauvées de l’eau, Nina Leger parcourt une rivière californienne pour remonter l’histoire des rapports tumultueux entre l’homme et la nature et livrer un récit éclairant et poétique.

Mémoires sauvées de l'eau

Il existe au nord de la Californie, une rivière qui pourrait raconter à elle seule l’histoire de ce territoire devenu État américain, et bien plus encore, celle de la folie des hommes à vouloir dominer la nature. Pourtant, ceux qui la découvrent sont prévenus : « Les chercheurs d’or la nomment Feather. Elle fait des tempêtes. Elle est / plus puissante que l’American qui l’est déjà beaucoup, elle est aussi plus compliquée, n’a de cesse / de se séparer / de se retrouver / et on ignore où se situe exactement sa source principale. » En faisant l’archéologie de tout ce que cette rivière contient d’histoires immergées dans ses flots, Nina Leger tisse un texte qui n’en est pas moins indomptable, dans lequel passé et présent se mêlent et se répondent. Deux ans après Antipolis, qui plongeait dans l’histoire de la technopole de Sophia Antipolis localisée dans le sud-est de la France, l’autrice poursuit son épopée topographique. C’est là encore le nom d’un lieu, théâtre de ce texte et de ses différents protagonistes à travers les époques, qui semble l’aimanter, celui d’une ville à la consonance hispano-française qui fait remonter aux rêves de la ruée vers l’or : Oroville.

Les différents dialogues entre ces femmes amènent à la conception de nouveaux rapports au monde alors que la ruine menace.

Une rivière symbolique

Tout commence en effet lorsqu’au milieu du XIXe siècle, de l’or est trouvé au bord d’un autre cours d’eau de la Californie, l’American River, faisant affluer des milliers d’âmes en quête de fortune, chassant les populations natives, et donnant naissance à cette Oroville le long de la Feather. De là découlent les tumultes d’une épopée qui traduit, en suivant cette rivière, le cours d’un siècle et demi d’histoire californienne. Au récit héroïque bien connu, Mémoires sauvées de l’eau dessine progressivement une contre-histoire, marquée par l’aveuglement des hommes dans leur quête de progrès et de richesse, la destruction de l’environnement provoquée par celle-ci, ou encore la chasse puis la décimation des populations natives. Autant d’événements n’ayant de cesse d’avoir des conséquences qui s’illustrent à travers les récits de personnages, affrontant aujourd’hui un monde au bord du gouffre. Car à travers cet...