Crapalachia, l’excellent roman tragi-comique de l’Américain Scott McClanahan, ressort aux États-Unis cet automne, enrichi d’une préface signée par Nico Walker, l’auteur du bouleversant Cherry (Les Arènes, 2019). L’occasion idéale pour redécouvrir ce court portrait à la fois drôle et touchant d’une famille étasunienne. Nommé pour le Grand prix de littérature américaine lors de sa sortie française en 2018, il a été traduit avec une justesse remarquable par Théophile Sersiron.

Crapalachia, Scott McClanahan

Premier roman de Scott McClanahan, enfant chéri de la scène littéraire indépendante américaine, Crapalachia (une contraction de crap, merde en français, et Appalachia, la région des Appalaches, minière et rurale, où se déroule l’histoire) est paru en 2013, après quatre recueils de nouvelles. Il fait partie des expérimentations autofictionnelles de l’auteur qui culmineront deux ans plus tard avec le très beau Livre de Sarah (également traduit par Théophile Sersiron et publié en France en 2020, aux Éditions de l’Olivier). Le sous-titre de Crapalachia, « Biographie d’un endroit », exprime tout l’attachement de McClanahan et de son alter ego narratif Scott à leur version imaginaire (quoique peut-être pas tant que cela) de cette partie des Appalaches qui traverse la Virginie Occidentale, terre natale de l’auteur. 

Histoire(s) de famille

« Ça fait presque dix ans que je pense à Ruby », écrit Nico Walker dans sa préface. Ruby, c’est la grand-mère de Scott, figure centrale du récit. Aussi attachante qu’exaspérante, elle est au coeur de ce roman qui explore les souvenirs de la jeunesse appalachienne de l’auteur : « dans mes rêves je suis à chaque fois de retour chez Ruby, de retour à sa table. » (p. 74) Scott, 14 ans, raconte son adolescence à travers une série de chapitres courts, qui sont autant de fragments d’histoires de famille et d’amitié. Il dresse le portrait sans concession, mais toujours empreint d’une grande tendresse, de ceux qui ont marqué ses années formatrices, pour le meilleur comme pour le pire, avant qu’adulte il quitte la région, puis y revienne, des années plus tard, pour écrire son histoire. 

Il y a Ruby, l’aïeule aimante et quelque peu mythomane, véritable institution dans la famille McClanahan. « Une vraie dure à cuire » comme l’appelle Nico Walker. Il y a aussi Nathan, l’oncle cinquantenaire atteint d’infirmité motrice cérébrale, personnage aussi têtu qu’attachant, dont le désespoir après sa rupture avec Rhonda, sa douce infirmière, nous désarme. Les plus belles pages du roman lui sont consacrées. Enfin, il y la famille de cœur : les copains, sa « bande d’enfoirés » (p. 119), ados désœuvrés dont certains tourneront mal, broyés par l’ennui et les désillusions : « j’ai compris que la vie n’était qu’une grosse farce remplie de douleur, où quelqu’un était en train de se foutre de nous. » (p. 107)

L’Amérique, la vraie, en plein cœur 

Au cœur de ce lieu qui n’a d’imaginaire que le nom, ou presque, Ruby incarne une vraie pul...