FESTIVAL AMERICA 2024. Toute la semaine, Zone Critique couvre le festival America 2024 et vous donne accès au meilleur de la littérature américaine contemporaine.

Amiante de Sébastien Duludene nous fait quasiment jamais quitter « shithole Thetford Mines », le trou du cul du monde, comme tous les villages d’adolescence. Mais à Thetford s’ouvrent chaque jour des fosses menaçantes qui engloutissent la plupart des hommes du coin. 

Amiante, Sébastien Dulude

Dans le Nord de l’Hexagone, on les appelle terrils, à Saint-Etienne, les crassiers, mais au Québec ce sont les dompes, les collines artificielles nées des déchets extraits de la mine, qui fournissent autant de pistes d’envol pour pneus, ou pour motocross. Seul ou accompagné, par beau ou mauvais temps, Steve, le héros, finit toujours par revenir à leur sommet : c’est le point de vue d’où on voit tout, et particulièrement les lotissements sans fin, nés de l’industrie minière et destinés à disparaître avec elle.

Amiante partout, amour absent

Sauf qu’ici, ce n’est pas la houille ou le charbon qu’on prélève, mais bien l’amiante, dynamitée chaque jour de travail que Dieu fait, à 16h. Dans le roman, auquel le matériau donne son titre,cet asbest, autre nom de la fibre d’amiante,est dans tous les poumons, et pourtant absent du plan principal. C’est la toile de fond qui n’est jamais vraiment discutée – à part par Cindy qui, elle, a des idées politiques ; c’est la structure fibreuse du livre – et du souvenir, à laquelle il est impossible d’échapper.

Les hasards des déménagements et des errances sans fin à vélo permettent au Steve enfant de la première partie de vivre une histoire un peu plus qu’amicale avec un garçon, surnommé petit Poulin. Celui-ci incarne incarne l’exact opposé du narrateur, qui se définit comme « l’ami qui fait la gueule ». D’autres garçons de leur âge gravitent autour d’eux, se font les complices intermittents des plus ou moins grosses bêtises, mais c’est leur duo qui prend tout l’espace de la narration et de l’écriture. Autour de lui tourne sans fin la question : comment fait-on revivre l’amour impossible ?

Un tragique adolescent et sans horizon

Nous sommes à la fin des années 80 et au début des années 90, la mono-industrie de l’amiante vit ses dernières années, non sans prélever son écot de décès dans le bassin minier. Nous ne quittons jamais le point de vue de Steve, autour de qui tout s’éteint. Avec lui, nous errons toujours dans les mêmes lieux : la maison, l’école, la piscine, et à l’extérieur, les dombes, les bâtiments abandonnés, les rues vides des lotissements peuplées de non-dits. Parfois, l’habitacle d’un véhicule...