Le temps d’une exposition qui célèbre les 70 ans de la maison Christian Dior, la galerie d’art nationale de l’état du Victoria (National Gallery of Victoria, en Australie) se transforme en véritable palais des glaces où tout n’est que luxe, glamour et volupté. Par un jeu astucieux de miroirs fixés au plafond, sinon en vis-à-vis, les visiteurs peuvent ainsi admirer sous toutes les coutures les créations sophistiquées de Christian Dior (1905-1957) qui organisa son premier défilé à 42 ans. Lancée en février 1947, sa fulgurante carrière de directeur artistique est retracée par une scénographie exceptionnelle qui a poussé le souci du détail jusqu’à recréer l’architecture de la maison Dior au sein même de la National Gallery of Victoria (NGV).
Une certaine élégance à l’européenne
Du raffinement des accessoires (flacons de parfum, chapeaux, chaussures, bijoux, etc.) à l’imaginaire vestimentaire des sept directeurs de collection, le choix des 140 pièces exclusivement féminines qui couvrent ces années de créativité des origines à nos jours n’est pas anodin. En effet, si cette sélection fait montre d’un éclectisme certain visant à offrir un échantillon représentatif du talent polymorphe du grand couturier fondateur et de ses dignes successeurs (à savoir, Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri), il s’accorde aussi parfaitement avec le goût prononcé des Melbourniens pour des tons plutôt sombres avec des couleurs telles que le noir, le bleu marine, le pourpre, le gris ou le marron, gage d’une certaine élégance à l’européenne. Des motifs floraux bi- et tridimensionnels viennent alléger la sobriété de l’exposition, une touche printanière qui ne manque pas d’annoncer la nouvelle saison à Melbourne. En outre, cette exposition représente un travail de collecte considérable puisque les objets ont été empruntés à pas moins de treize collections publiques et privées disséminées aux quatre coins du monde.
L’Australie et la haute couture
De manière opportune, l’exposition nourrit la relation postcoloniale que les Australiens entretiennent avec la culture européenne dont ils sont très admiratifs tout en valorisant leur engouement pour la mode, distillée à la population grâce à la popularité des magazines féminins comme Women’s Weekly et au concours du grand centre commercial David Jones. Le rival de Myer prit l’initiative de faire venir dès la toute premiere collection Dior quatre créations originales pour son grand magasin sis à Elizabeth Street, une aubaine pour le grand couturier qui exportait ainsi son travail pour la première fois. Il a toutefois fallu attendre qu’une décennie s’installe afin que l’Australie puisse s’enorgueillir d’accueillir un défilé Dior nanti de 83 tenues éblouissantes que les sept mannequins de la maison de l’avenue Montaigne gratifièrent de leur grâce.
La NGV, qui possède la plus grande collection de textile de tout le pays, fait un sort à la haute couture depuis quelques années. L’on se souvient que l’on a déjà pu s’enthousiasmer pour les créations de Jean-Paul Gautier (du 17 octobre 2014 au 08 février 2015) et celles de Viktor & Rolf (du 21 octobre 2016 au 26 février 2017).
Et ces dieux créèrent la femme
Dior avait une profonde admiration pour les femmes et il ne s’en cachait pas : « Au fond de chaque coeur sommeille un rêve, et le couturier le sait : chaque femme est une princesse», disait-il
Dior avait une profonde admiration pour les femmes et il ne s’en cachait pas : « Au fond de chaque coeur sommeille un rêve, et le couturier le sait : chaque femme est une princesse», disait-il. Ce vif intérêt de la NGV pour la fine fleur de l’industrie du design vestimentaire nous rappelle à la nécessité de considérer la haute couture, au-delà de sa valeur marchande, comme un art à part entière, dont l’esthétisme et la portée culturelle obéissent à des codes mis en place par ces grands créateurs qui n’ont pas fait que sublimer la femme. Ils lui ont tour à tour donné les moyens d’affirmer sa féminité tout en l’investissant d’un pouvoir de séduction et de représentation, lui permettant ainsi d’être l’égale de l’homme et allant jusqu’à lui conférer un avantage certain dans le jeu d’influences qui gouverne les relations hommes-femmes. C’est au moyen d’un savant mélange de tradition et d’insolente modernité que ces architectes de la haute couture parvinrent à assoir l’autorité sociale de la femme.
Il est à noter que cette exposition fait pendant à celle qui se tient au Musée des Arts Décoratifs à Paris du 5 juillet 2017 au 7 janvier 2018. Dès lors, quel que soit l’hémisphère dans le lequel vous vous trouvez, que vous soyez à Melbourne ou à Paris, vous n’avez aucune excuse pour ne pas manquer ce vibrant hommage rendu à la maison Dior.