Dressé pour tuer de Tchinguiz Abdoullaïev, raconte la course contre la montre des services secrets russes pour déjouer une série d’attentats contre le ministre de l’Economie du pays. Un polar fade.
Imaginez qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie de la France, à quelques jours de faire voter un pacte budgétaire avec l’Allemagne, décisif pour sortir de la crise, soit victime de trois tentatives d’assassinat, en à peine 72 heures.
C’est le scénario que propose Tchinguiz Abdoullaïev, mais dans son pays, la Russie. Artion Polétaïev, ministre russe de l’Economie et des Finances, s’apprête à faire voter par le Parlement le budget de la nation, un moment important pour l’image du pays face aux investisseurs du monde entier.
Polétaïev est un ministre plein d’ambitions, pas insensible au charme des femmes, un peu désabusé par la sienne, décrite dans le roman comme une hystérique, – non, ce livre n’est pas féministe – qui a du mal à écouter les autres, et qui est soucieuse d’afficher sa position sur l’échelle sociale moscovite.
Mais son hystérie s’avère salvatrice. Un matin, alors qu’elle impose à son mari de rester à l’hôpital auprès de son petit-fils, atteint de maux de ventre, et selon elle d’une grave intoxication alimentaire, le ministre échappe à un attentat devant chez lui. Son garde du corps et son chauffeur prendront deux balles à sa place. En somme, beaucoup de personnages vont prendre des balles à sa place.
Les services secrets de la Russie moderne, réunis dans le FSB, ancêtre du KGB, sont alors sur le pont, pour protéger et maintenir en vie le ministre durant trois jours, jusqu’au vote du budget.
Mais c’est sans compter sur l’homme chargé d’éliminer Polétaïev : un ancien liquidateur formé par les services secrets russes qui cherche à se venger de son ancien employeur, mais aussi à empocher une importante somme d’argent, promise par les commanditaires de l’assassinat. Intrigue classique, digne des films d’action américains les plus communs.
Un polar dénué de rebondissements
On en vient même à se demander si le scénario se déroule à Moscou et pas à Washington. Le FSB, semble bien loin des zones d’ombre de ses ancêtres, et accomplit sa mission avec bravoure et éthique. Leurs hommes sont prêts à se sacrifier pour le ministre.
Ce roman policier ne présente rien d’innovant dans le genre et se voit alourdi par une intrigue sentimentale naïve
Mais l’investigation peine à démarrer au bout de trois cents pages. Les agents ont bien une idée de l’identité du liquidateur, leur ancien collègue, mais ce dernier semble toujours avoir trois longueurs d’avance sur le FSB. Un polar qui est donc dénué de véritable jeu stratégique et de rebondissements.
Ce roman policier ne présente rien d’innovant dans le genre et se voit alourdi par une intrigue sentimentale naïve
Le ministre échappe aux attentats successifs grâce au hasard: les maux de ventre du petit-fils, la présence d’un agent de police qui n’aurait pas dû être là, un indice révélé par chance lors d’une discussion inopportune.
De plus, la réussite de la mission semble reposer entre les mains, d’un analyste extérieur au FSB, recruté pour pallier à leurs manques de résultats immédiats. Un mélange entre un génie et un sauveur. Une vieille gloire de l’analyse d’informations secrètes dans les années 80, à la fin de l’URSS, qui revient soudainement aux affaires.
- Dressé pour tuer de Tchinguiz Abdoullaïev, traduit par Robert Giraud, édition L’aube, 17,90€, juin 2014.
Alexandre Poussart