Premier recueil de Violette Chalier, Traverser les orties trace les contours d’une disparition, celle du père. En quatorze chapitres, ce récit en vers libres déploie le portrait d’un homme rendu loquace par la maladie. Au creux du drame, la relation filiale se redéfinit comme une nouvelle rencontre : entre le père alité et la fille qui le veille se dessinent ainsi d’autres chemins à emprunter, avec des ronces, peut-être des orties, mais aussi quelques framboises acidulées.

Dans ce texte fragmenté, Violette Chalier explore une écriture documentaire et inscrit son récit dans le courant narratif de la poésie contemporaine. L’autrice prête sa voix à celui qui n’est désormais plus là pour se raconter. Elle devient la passeuse de ses mots et de son histoire, hantée par une virilité toxique. La poétesse recueille ainsi la parole lacunaire de son père avant qu’elle ne s’éteigne – son « langage de charretier », ses derniers rêves d’évasion, sa « trouille » et ses silences. Avec pudeur et simplicité, elle consent à être le relai d’un témoignage abimé :
« Tu as tellement peur de mourir parfois,
Tu me balances tout, tes souvenirs, en vrac.
J’ai accepté d’être dépositaire de cette mémoire.
Et de cette façon bizarre d’être au monde. »
Ce qui reste
Violette Chalier écrit la latence et les petits riens. Elle décrit l’empreinte d’un corps, recouvert trop longtemps d’un « amas de couvertures ». La maladie oblige à un autre langage. Elle façonne le texte – ou plutôt, l’informe. Long poème en prose, Traverser les orties est parsemé de béances, symptômes d’une mémoire troublée et d’une « toux rauque ». Ces respirations imposent un rythme à l’écriture et à la lecture. Le morcellement du texte invite à tisser de nouvelles correspondances entre les paroles du quotidien, les réminiscences vaporeuses et la transmission « des choses inutiles ».
« Dans le creux de ton corps,
Se crée un mouvement nouveau des mots
Un répertoire de gestes intimes
Qui ne passent pas le seuil du verbe
C’est là qu’une fois de plus je te retrouverai. »
Écrire sur ou pour ? Traverser les orties est un texte adressé au père en train de mourir. Un hommage rédigé au présent, qui sonne comme un deuil anticipé. Face...