L’odeur du sel, l’horizon bleu et les cafoutches aux coins des rues… Ville-méandres, Marseille échappe à une définition univoque. Ville-désirs, elle se laisse parfois approcher par des cinéastes et des poètes.ses, qui y posent leurs regards et leurs valises. On l’a aperçue sur grand écran, parfois au sein de romans, mais elle se cache aussi dans des livres de poésie, au détour d’une image, d’une virgule ou d’un personnage, avec ou sans accent provençal. Petit aperçu local de la capitale de la poésie expérimentale.

On se dit qu’avec son dictionnaire d’expressions visuelles et ses paysages synesthésiques, Marseille est nécessairement synonyme de poésie. Pourtant, en parcourant les pages jaunies par le soleil, on remarque d’abord son absence. Beaucoup de poètes.ses écrivent au bord de ses rives et dans ses cafés bruyants, mais entre leurs lignes, où se trouve la cité phocéenne ?

Marseille, vecteur de poésie engagée

Pour comprendre les liens entre Marseille et la poésie contemporaine, il faut revenir sur une histoire de luttes. Au printemps 1950, sur le port maritime s’achève l’un des conflits sociaux les plus importants de la ville : la grève des dockers. Pendant une vingtaine de semaines, les ouvriers ont refusé d’embarquer des armes à destination de la guerre d’Indochine. De cette mobilisation sévèrement réprimée est née une revue militante, pensée par deux « hommes du sud », l’occitanien Jean Malrieu et le marseillais Gérald Neveu. Dans un élan collectif, Action poétique (1950 -2012) fédère durant plus de 60 ans des poètes.ses du monde entier (de Paul Éluard à Noemia de Souza, en passant par Mohammad-Ali Sepanlou). 

La revue se veut en prise avec le réel et engagée dans le monde. Elle rompt avec un formalisme désincarné et rassemble autour de l’idée selon laquelle la poésie est intrinsèquement politique. 

Les veilleuses du Vieux-Marseille

Porteront les mots enflammés

dans la gorge froide des lâches

qui ferment la nuit sur leurs yeux

donnent linceul aux mauvais rêves.

Les veilleuses du Vieux-Marseille

depuis longtemps veillent en nous

l’amer pays de la mémoire

où tant de noms sont calcinés

où tant de vies peuplent la mort

(Action Poétique n°4, « Port et Marine », juin 1950, Jean-Noël Agostini, Les Veilleuses du Vieux-Marseille).

Ville militante, Marseille scelle ainsi l’écriture poétique à son destin politique et social. À cette profusion de textes publiés en revue s’ajoutent d’autres expérimentations langagières : les lectures performées, qui prennent leur essor à Marseille dans les années 1980 et s’institutionnalisent en 1990 avec la création du CipM (Centre international de poésie Marseille).

Le patrimoine poétique du CipM

Sous l’égide de la Vieille Charité, ancien hospice transformé en centre culturel, le CipM a pour vocation la diffusion de la poésie contemporaine à travers des expositions, des lectures, des ateliers d’écriture et des rencontres avec des auteur.ices. Fondée par le chantre de la poésie ...